« Au Bord de la tombe » de Jeaniene Frost
Catherine est une dampyr (même si le terme n’est jamais cité), née du viol de sa mère par un vampire. Un peu comme dans les B.D Blade, Vampire Hunter D ou Dampyr. Au début du livre, vengeuse sanguinaire ou tueuse en série, elle drague les créatures de la nuit pour les assassiner sans pitié. Tout change lors sa rencontre avec Bones, un superbe vampire chasseur de primes avec qui elle s’associe avant d’en tomber follement amoureuse. Amour partagé. Le duo enquête sur un trafic d’être humains organisé par un maître vampire couvert par les plus hautes autorités. Nos deux héros auront fort à faire pour vivre leur passion tout en démantelant ce réseau mafieux d’un nouveau genre.
Le phénomène Bit-Lit aurait pû s’installer en France dès le début des années 2000 avec la parution des Anita Blake de Laurell K. Hamilton et des Vampire de Christopher Pike. Curieusement, et malgré le succès des des romans de Buffy (personnage fondateur du genre avec Anita Blake), la sauce n’a pas pris complètement. Milady/Bragelonne semble aujourd’hui décidée à miser à fond sur le genre en publiant un maximum de séries. Aux États-Unis, rappelons qu’il semble en exister des dizaines… Au départ, en France, on n’a pas trop su comment promouvoir ce genre hybride. On a misé sur le lectorat de l’horreur puis, chez J’ai Lu, sur un public féminin friand de romances fantastiques. Aujourd’hui la Bit-Lit semble passée dans les mœurs et se trouve vendue comme telle. Il est vrai que le genre est un savant mélange d’Harlequinades, d’érotisme, de fantasy urbaine et d’horreur. Le point commun de ces ouvrages est principalement une héroïne forte (qu’elle soit vampire, succube, métamorphe, sorcière, exorciste, télépathe, vampire-garou et on en passe !), de caractère comme de pouvoirs, plongée dans un univers fantastique où les monstres sont une réalité, avec une prédilection pour les vampires et les lycanthropes. On suit alors ses aventures sentimentales et surnaturelles, généralement racontées à la première personne (comme chez Hamilton, auteure capitale pour la Bit-Lit). Si le public de base visé est bien féminin, la majorité des romans peut évidemment plaire aux hommes, toujours amateurs d’héroïnes sexy et de bagarres échevelées. Dans les années quatre-vingt, les polars de Hong-Kong ont connu une mode similaire avec des femmes-flics superbes (Ah ! Cynthia Khan !) et plus fortes que les hommes (les Sens du Devoir, les Iron Angels). Dans les sixties, l’espionnage, traditionnellement masculin, a consacré des personnages comme Modesty Blaise ou la Louve Solitaire… Enfin, dans les années cinquante, il y eut aussi une mode bien française du « roman noir féminin », avec son lot d’héroïnes flingueuses et ironiques, les plus connus étant signés par George Maxwell. On le voit, la recette est plus vieille que la Bit-Lit. Puisqu’elle est excellente, pourquoi s’en plaindre ?
Les Twilight de Stephenie Meyer, qu’on pourrait assimiler à de la Bit-Lit pour ados, connaissent un tel succès que l’engouement pour le genre ne semble pas prêt de s’éteindre. En général, toutes ces séries n’ont d’autre ambition que de divertir le lecteur, en respectant un cahier des charges qui le mènera en terrain connu tout en lui préservant quelques surprises. On est en plein dans la vraie littérature de genre, dans de (gros) romans de gare qui visent seulement à donner un maximum de plaisir aux fans, quitte à miser à l’occasion sur le porno, voire sur la perversion (Démon intérieur de Jenna Black joue beaucoup sur cet attrait).
Au Bord de La Tombe, premier épisode de la saga de la Chasseuse de la Nuit, c’est cinq cents pages de bonne Bit-Lit, qui filent à toute allure. Jeaniene Frost, sans jamais révolutionner le genre, écrit une sorte de gros épisode de Buffy, plein d’action (parfois gore), de romance et d’humour. Les deux héros, la Chasseuse et son « chéri » vampire, sont extrêmement bien campés et sympathiques, sans pour autant que les personnages secondaires soient négligés. Leur tandem de choc est un régal. Le roman repose d’ailleurs principalement sur leurs interactions croustillantes, tour à tour inquiétantes, drôles, sensuelles et romantiques. Pour ceux qui aiment, on a même droit à une scène porno incroyablement longue d’une dizaine de pages ! Plus fort que S.A.S. Car la Bit-Lit, c’est souvent ça : de la romance mais pas mal de sexe aussi. Les lectrices d’aujourd’hui ne semblent pas se contenter de promenades main dans la main sur fond de soleil couchant…
L’intrigue est simpliste mais pas inintéressante, avec même parfois un propos social inattendu dans un genre aussi codifié (les victimes des vampires sont des exclus, SDF, ou prostituées, leur disparition ne choque personne et arrange même les autorités). L’histoire plus ou moins policière est cependant étirée au maximum pour donner du poids au roman. Ceci dit, il a beau être gros, le style alerte et ultra efficace fait que le temps passe très vite et que la lecture en est extrêmement agréable. Le personnage de Cat connaît une réelle évolution au cours du roman (la Cat solitaire, fille mal dégrossie et un peu paumée, la Cat associée et maîtresse du chasseur de primes vampire, femme fatale, et la Cat du final, sur laquelle nous ne dirons rien pour préserver la surprise). Ce développement est assez surprenant et excitant. La fin s’ouvre sur la promesse d’une série dynamique, rentre-dedans et aussi mouvementée qu’un block-buster américain. Quand on achève la lecture de ce bon bouquin que certains auront beau jeu de mépriser, on a une irrépressible envie de lire la suite. La Bit-Lit réussie, c’est comme une bonne série T.V, on peut vite devenir accro.
Éditions Milady
8 €
ISBN : 978-2-8112-0241-5