Black Mamba n°5
Black Mamba revient dans son cinquième numéro avec les atours auxquels ses lecteurs se sont habitués : une maquette élégante et lisible, un papier de bonne qualité et un mélange de nouvelles illustrées et de courtes bandes dessinées.
La somptueuse couverture d’Anthony Geoffrey annonce la couleur sombre du polar qui ouvre le bal : Lola. Cette nouvelle met en scène quelques truands et une jeune blonde pulpeuse, la susnommée Lola, juste après le casse qui devrait les rendre riches et heureux. L’ambiance, bien posée par l’écriture franche et directe de David Miserque et par les illustrations très réussies de Damien Venzi, plonge le lecteur dans l’univers des polars américains. Mais peu de surprises sur le fond. Et ce texte laisse un peu l’impression de n’offrir qu’un extrait trop court de film, genre Tarantino.
La nouvelle suivante déroule un space op’ classique. Heze est une petite étoile sur laquelle est envoyé le narrateur, accompagné d’une équipe de scientifiques. Il va y découvrir un monde sylvestre aux propriétés uniques. Heze présente des détails intéressants, mais souffre d’un manque d’originalité, à la fois sur le fond et dans le traitement qui éloigne un peu le lecteur des personnages. Comme si l’auteur, Nicolas Bernard, se sentait trop contraint dans cet exercice d’un genre très codifié. Les illustrations de Thomas Balard, épurées, sur un fond constellé d’étoiles, rendent très bien.
Vient ensuite la première bande dessinée de ce numéro : Chaos, de Samir Haniche. Le dynamisme du découpage et du trait rend cette allégorie de la dualité technique/nature vraiment percutante. La seconde moitié accroche tout particulièrement le lecteur. Avec un format inhabituellement long pour ce support (quinze planches), et une histoire très concentrée, le tout sans dialogues, Chaos était manifestement un pari risqué. Et c’est franchement réussi : malgré une narration parfois pesante, Chaos est une excellente surprise.
Dans Le Conservateur des Enfers, Kaïly Caine fait raconter par un vieil acteur une histoire d’horreur somme toute assez classique. Les personnages du gros producteur et de l’ancien esclave noir sont assez truculents, même s’ils restent un peu stéréotypés. La lecture est très agréable, bien servie par les illustrations d’Alexandre Tuis, avec leur rendu un peu sale qui plonge le lecteur dans l’ambiance. On regrettera juste une fin attendue, pas vraiment à la hauteur du reste du récit.
La seconde et dernière bande dessinée se présente sous la forme d’un intermède plutôt léger. En quatre planches, Jonas Lenn et Sylvain Chevalier proposent une énigme plus humoristique que policière avec une ambiance presque à la Sherlock Holmes. Ça se lit vite, c’est distrayant : le lecteur de bonne humeur pourra sourire à la fin, et passera rapidement à la suite.
L’Épilogue, de Jacques Fuentealba clôture les fictions de ce numéro. Et c’est vraiment le clou du spectacle. Ce court texte propose une mise en abîme pertinente entre l’auteur, sa muse et ses personnages. Parker est un héros de roman policier. Mais une fois l’affaire en cours élucidée, il a un étrange sentiment d’inachevé et va devoir se tirer d’un mauvais pas, bien pire que tout ce qu’il a connu au cours de ses précédentes aventures.
L’histoire est prenante et très bien écrite. Que demander de plus ? Des illustrations à la hauteur ? Celles de Samuel Figuière sont superbes et accompagnent avec brio cette nouvelle.
Pour finir, trois interviews. La première de Jean-Claude Claeys, illustrateur de couvertures de polars. Vient ensuite un entretien avec Maurice G. Dantec, presque aussi déroutant que ses romans. Et la dernière série de questions/réponses est dédiée à Sire Cédric, où il est question d’Angemort et du diable.
Ah, il ne faudrait pas oublier de parler des chroniques (jeux vidéo, films, bouquins et bandes dessinées), et surtout du poster double page (et double face !) haut en couleur d’Anthony Geoffrey, le must pour les amateurs du genre.
Pour conclure, disons que ce cinquième Black Mamba est un bel objet, au contenu parfois inégal, mais qui se lit avec plaisir et qui mérite que l’on s’y attarde.
— F-Xavier Bornes
magazine pulp
68 pages
4,50 €
blackmamba.fr