« Étoiles perdues I – L’Honneur terni » de Jack Campbell
La saga de La Flotte perdue et sa suite Par delà la frontière mettaient en scène le capitaine John Geary et sa flotte de vaisseaux errants. Voici venu Étoiles perdues, un spin-off consacré à deux ex-officiers Syndics : Gwen Iceni et Artur Drakon.
Après les nombreuses et cuisantes défaites infligées aux flottes Syndics par John Geary, qui tentait juste de regagner l’espace de l’Alliance, les mondes syndiqués sombrent dans le chaos et de nombreux systèmes font sécession. Lassés de l’autoritarisme, de la corruption et de l’inefficacité d’un pouvoir politique s’inspirant grosso modo du stalinisme et du nazisme, certains dirigeants décident de reprendre leurs planètes en main.
C’est le cas des deux CECH (commandants en chef) Drakon et Iceni, basés sur le système stellaire Midway. Faisant fi de leur rivalité, culturellement entretenue par leur hiérarchie, ils décident de s’allier pour éliminer leurs collègues encore loyaux au pouvoir central. Ils ne manquent pas d’atouts pour mener cette tâche à bien : d’une part ce sont des officiers dont l’humanisme, s’il les a tous deux menés à être placardisés à Midway, leur vaut surtout la confiance indéfectible de leurs subordonnés ; d’autre part ils excellent chacun dans leurs fonctions respectives : le commandement des forces terrestres et la gestion d’une flotte spatiale. Et si ce n’était pas suffisant, reste l’échange bref mais marquant ayant eu lieu entre Iceni et John Geary. La CECH ne manquera pas d’instrumentaliser la rencontre autant que de s’inspirer des exploits de celui qui fut un temps son adversaire.
Les ennemis de toujours de John Geary et de l’Alliance sont donc à l’honneur dans ce roman. C’est un choix d’autant plus audacieux et intéressant de la part de l’auteur que son genre de prédilection tombe fréquemment dans le manichéisme et qu’on ne peut dire de Campbell qu’il soit le plus subtil des tenants de la SF militaire.
Même si, en consacrant une suite et un spin-of à son cycle initial, il marche à nouveau dans les pas de David Weber, il a au moins le mérite de s’essayer à varier ses personnages et le postulat de départ de son récit. Après avoir tourné en rond au point de s’auto-parodier au fil des volumes de La Flotte perdue et Par delà la frontière, il était temps de lâcher un peu John Geary et sa flotte en vagabondage perpétuel.
Premier changement remarqué : fini le nomadisme. L’histoire se concentre sur le système de Midway dont l’importance stratégique va conduire le pouvoir central à tout tenter pour le garder dans son giron. Les amateurs d’exotisme et d’ethnologie en seront cependant pour leurs frais puisque l’auteur fait l’impasse sur la vie au quotidien à la surface planétaire et ne décrit la population que sous un angle vaguement macro-social.
Deuxième gros changement : deux personnages principaux se partagent désormais l’affiche. Iceni et Drakon, sans être insensibles à leurs charmes mutuels, se sont alliés par nécessité et ne s’accordent que peu de confiance. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à s’espionner et à échafauder des plans pour se débarrasser éventuellement de l’autre. Cette relation ambivalente est le point fort de ce roman et contribue à donner un peu d’intensité à une trame trop linéaire pour être honnête. Dommage que Campbell ait toujours autant de difficulté à créer de vrais personnages et nous donne l’impression d’avoir affaire à des clones. Iceni et Drakon ont des tournures de pensée et des façons de réagir aux évènements identiques. Et on peut pratiquement mettre leurs affidés dans le même sac, les protagonistes manquant de ce petit supplément de profondeur qui leur donnerait une véritable crédibilité.
En dehors de ça, toujours le même travers à signaler : un texte qui respire peu, l’auteur faisant l’impasse sur les ellipses et l’écriture en creux en nous infligeant son didactisme habituel via les nombreux dialogues et cogitations de ses personnages. La lecture est rendue d’autant plus aride par la traduction ampoulée et parfois imprécise de Frank Reichert.
On notera le petit clin d’œil à la saga de Honor Harrington lorsqu’Iceni, cherchant des noms pour ses vaisseaux, opte pour Manticore, Basilic et Griffon. Et c’est bien la comparaison avec les livres de l’univers de Honor Harrington qui revient à l’esprit en lisant L’Honneur terni. Mais Campbell ne réussit pas à se détacher de son modèle dont il reste un pâle substitut.
Encore une fois, un livre que je ne conseillerais qu’au fan de SF militaire aux abois qui aurait dévoré les dizaines de volumes de l’Honorverse et ne serait pas trop exigeant.
Éditions L’Atalante
Traduction : Frank Reichert
441 pages – 21 €
ISBN : 978-2-84172-632-5