« Foods for maggots » de Virginia Schilli
Virginia Schilli fait partie des auteurs découverts par les regrettées éditions Nuit d’Avril. Après leur disparition, les fans ont eu la bonne surprise de retrouver ailleurs nombre de ces talents. Certains ont fondé leur maison d’édition, comme Alexis Lorens (qui publie Schilli mais aussi Céline Guillaume et Franck Ferric ) ou Ambre Dubois, qui a enfin sorti la suite de son très bon Manoir des Immortels (Le Petit Caveau, qui publie aussi Lorens). On ne peut évidemment pas oublier l’éclatante réussite de Sire Cédric au Pré aux Clercs, un maître du thriller horrifique qui a su évoluer sans jamais pervertir son art.
Virginia Schilli, aussi gothique que Sire Cédric, on la connaît pour sa série vampirique, aujourd’hui rééditée aux éditions du Riez, avec un troisième tome inédit. Le premier, Par le sang du démon, écrit à dix-huit ans (!), était un fort bon roman médiéval fantastique, avec un héros vampire original. Les deux autres semblent aussi prometteurs.
Aujourd’hui, l’auteure nous revient avec Food for maggots (elle affectionne les titres en anglais, qui la renvoient peut-être à ses chères études… ou à ses groupes favoris, comme My Dying Bride), un recueil de dix nouvelles, dont quatre inédites. Les autres ont été publiées dans des revues ou des fanzines, comme le célèbre Calepin Jaune, d’Estelle Valls de Gomis, elle-même auteure chez Nuit d’Avril qui signe ici quelques illustrations semblant fort appréciées par Virginia Schilli. Avouons que nous resterons plus réservés à leur égard …
Tout ce petit monde semble un peu former une famille !
Les victoriennes Ars Moriendi et Exitium ipse sui (Schilli aime aussi le latin !) décrivent les affres d’un artiste tourmenté qui peint les mourants, si possible en utilisant leur sang en guise de peinture. Le sujet est fascinant, les deux textes se complètent bien. Zombification est l’histoire assez violente d’un vampire qui traque les zombies malencontreusement créés par ses soins pour les détruire. L’idée de fusionner les deux mythes est sympathique. Bilirubine est un morceau de littérature un peu trash (dans le thème, pas dans le style), qui évoque un peu du Coralie Trinh Thi, auteure des éblouissants Betty Monde et La Voie Humide. La nouvelle commence dans les toilettes répugnantes d’une boîte… Il ne faut pas avoir peur de se salir pour apprécier un texte qui parvient largement à transcender son ambiance crade dans un final profondément fantastique.
Citons, pour finir, Scarlets Feathers et son ange vampire qui évoque, quant à sa pratique très sexuelle, le buveur de sang psychopathe de Theodore Sturgeon (Un peu de ton sang, dont on a déjà parlé ici). Comme le précédent, le texte peut choquer certaines âmes sensibles, et même leur déplaire souverainement. Encore une fois, il faut dépasser les scènes un peu glauques pour goûter pleinement une œuvre de qualité.
Ce ne sont là que les quelques textes qui ont plus particulièrement retenu mon attention. Certains lecteurs se découvriront bien sûr d’autres favoris, comme par exemple Hadess, qui évoque par son sujet mythologique le Malpertuis de Jean Ray.
L’important est de signaler le soin tout particulier apporté à l’écriture de ces petits morceaux de fantastique sombre et la réussite globale du recueil.
Nuit d’Avril a fait des petits, et c’est tant mieux. On peut même dire qu’une école s’est créée avec de jeunes auteurs spécialisés dans le fantastique et l’horreur, dont on n’a pas fini d’entendre parler. Soyons-en certains.
Éditions du Riez
17,90 €
ISBN 978-2-918719-02-1