« La Perle d’éternité » de Céline Guillaume
Si La Litanie des anges m’avait plutôt déçu (sans doute pour de mauvaises raisons), j’avais malgré tout décidé de retenter ma chance un jour ou l’autre avec un livre de Céline Guillaume tant sa prose élégante montrait un évident potentiel.
Il faut dire que l’œuvre de Guillaume peut surprendre le lecteur habitué à un fantastique plus volontiers horrifique, comme c’est devenu quasi obligatoire depuis déjà des décennies. Aujourd’hui, à tort ou à raison, le fantastique ne se contente plus d’émerveiller (il y a la fantasy pour cela) ou même d’inquiéter ; non, il doit créer la peur, flanquer une trouille bleue à celui qui tente l’aventure. Tout le contraire de Céline Guillaume, comme l’atteste encore cette Perle d’éternité ; en fait, un court roman (ou une longue novella) associé à un recueil de nouvelles initialement publié sous le titre du Grimoire des ombres.
Tout l’univers de Céline Guillaume répond présent : fascination pour le passé, moyen-âge et vieilles pierres (l’auteure a étudié l’archéologie pour cette période), fantômes pas forcément méchants et réincarnations, le tout dans une atmosphère romantique, poétique, profondément fantastique mais très rarement horrifique.
La Perle d’éternité, le roman, est l’histoire d’une noble adultère emmurée vivante par son époux jaloux, au moyen-âge ; une histoire qui trouve sa résonance de nos jours lors des fouilles archéologiques menées par une jeune veuve en mémoire de son défunt compagnon. Et si le mari trompé, bourreau impitoyable, s’était réincarné lui aussi ? Et si le drame devait se répéter ? C’est joli, impeccablement écrit, dans une langue (apparemment) simple et vivante à la fois, et cela devrait plaire à nombre de lecteurs et lectrices peu avides de vampires sanguinaires et de loups-garous cannibales.
Même si Céline Guillaume est plus familière de la forme (assez) longue, ce sont cependant ses nouvelles qui m’ont le plus séduit ici. Citons parmi mes préférées :
Au Bout du chemin oublié, marqué par l’empreinte du grand Claude Seignolle, auteur d’ailleurs apprécié par Guillaume.
Le Coma des amazones, un fantastique trop moralisateur, mais riche d’un tableau formidable : « José distingua des femmes nues aux courbes sensuelles. Chair rosée, taille de guêpe, seins laiteux et plantureux, cuisses élancées ; tout paraissait répondre à ses désirs les plus osés. » Puis, plus loin : « Leur mains étaient osseuses et très ridées. Elles se terminaient par des doigts crochus portant de véritables griffes animales. Leurs pieds ressemblaient à des sabots de chevaux. Quant à leurs visages, ils étaient informes et couverts de pustules. Une laideur repoussante se dégageait de leurs traits hideux. (…) En somme des monstres cherchant à grimer leur laideur sous des costumes ajustés avec maladresse… » (p.152) Superbe !
Les Flammes de l’Au-delà, histoire médiévale de combustion spontanée. Un petit bijou.
Theobald Mendola, terrifiante description d’un culte satanique et enfantin, qui fait songer à Sa Majesté des Mouches.
Mon Soupirant défunt, cruelle histoire d’amour spectrale à sens unique.
Un Hôte Diabolique, avec un très original démon ! Un récit proche de l’horreur cette fois, comme Theobald Mendola.
On ne peut donc que recommander La Perle d’éternité, un excellent recueil de fantastique gothique et classique par l’une des voix, peut-être paradoxalement, les plus singulières du fantastique francophone. Thématiquement, on pense parfois à Jean Rollin, sans l’érotisme et sans le maniérisme, ou à l’italien Frank Graegorius (hélas inconnu dans notre pays), sans l’épouvante vampirique.
Éditions Lokomodo
6,50 €
ISBN : 978-2-35900-035-1