« La Première mort » de Patrick Eris
Après la mort mystérieuse de son amant, Valérie est mêlée malgré elle à une enquête qui la dépasse. Finalement, elle s’aperçoit qu’elle ne le connaissait pas si bien que ça. Par exemple, d’où tirait-il ses revenus ? La police évoque trafic de drogue et prostitution. Était-il un dealer ou un gigolo ? Bientôt, un ami à lui est assassiné et Valérie agressée…
Patrick Eris est aussi le traducteur et fondateur de Malpertuis, Thomas Bauduret. Au Fleuve Noir, il y a déjà une vingtaine d’années, il a signé des romans d’espionnage et d’anticipation sous le pseudonyme de Samuel Dharma. Il est aussi l’un des « adaptateurs » de la série Blade.
Un homme bien occupé donc qui a aussi signé les très bons Autobus de minuit et Rush, dans des genres fort différents.
La Première mort, remarqué à l’époque de sa première sortie, en 2000, est encore différent puisqu’ultra psychologique et introspectif. Si on veut, il s’agit d’un giallo (au sens cinématographique du mot) atypique. Le giallo, dont l’un des maîtres est Dario Argento (d’ailleurs apprécié par Eris), est le thriller érotique ou horrifique italien, avec ses tueurs cagoulés poignard au poing, ses scènes de meurtres violentes et ses enquêtes embrouillées à loisir.
Qu’on ne se méprenne pas, La Première mort n’est pas à 100% un giallo, comme peut l’être l’enthousiasmant Six cadavres dans un cercle de Patrice Herr Sang, mais un roman policier à l’atmosphère voisine. Deux meurtres (non décrits cependant), une enquête menée par une dilettante étrangère dans une ville inconnue (très belle Amsterdam) – un classique de ce cinéma –, une agression par un tueur cagoulé (qui se solde par un échec puisqu’il se fait démonter par une héroïne experte en combat à mains nues !), mais aussi un tueur fou qui évoque ceux d’Argento. Bref, pour les amateurs de ce genre bien particulier, La Première mort revêt donc une ambiance de giallo sans en être vraiment un. Peut-être trop ambitieux, littéraire et psychologique pour cela.
Patrick Eris, semble-t-il, veut écrire un polar réaliste, qui n’est pas vraiment un polar, plutôt une tranche de vie. Il y a cette jeune femme, parfois irritante, mais fort bien campée, qui survit à son ex-amant, un personnage de faits divers, qui enquête sans enquêter, un peu en spectatrice.
La Première mort part de la littérature de genre pour aboutir à la littérature tout court, sans que cela enlève quoi que ce soit à l’une ou à l’autre. La Première mort est une expérience.
« Je ne cherche plus la vérité, mais le mystère. » (p.244) résume parfaitement cet étonnant roman noir.
Éditions Lokomodo
7,50 €
ISBN : 978-2-35900-033-7