« La Tour de Babylone » de Ted Chiang
Un recueil de huit nouvelles, qui furent abondamment primées (Hugo, Nebula etc.), accompagnées de quelques notes de l’auteur sur leur conception.
La Tour de Babylone est presque achevée, aussi fait-on maintenant appel aux équipes de mineurs d’Elam pour creuser la voûte du ciel. Les Égyptiens, spécialistes pour le granit, eux, les rejoindront bientôt dans ce voyage qui exige quatre mois pour atteindre le sommet de la tour. Mais si la tour est destinée à honorer Jehovah, ce n’est pas moins avec une rigueur toute scientifique que seront étudiés les risques de percer un possible réservoir des eaux du ciel. Mais c’est tout autre chose que découvrira Hillalum, et de très inattendu. Un texte qui m’a bien plu.
Comprends étudie l’augmentation de l’intelligence chez un des individus en coma profond traités par des injections d’hormone K, ses relations avec les médecins qui étudient cette évolution et sa propre relation à lui-même. Ce n’est pas que ce soit inintéressant mais, même traitée différemment, il est difficile de ne pas évoquer Des fleurs pour Algernon, de Keyes, et la nouvelle souffre de la comparaison.
Division par zéro ou les conséquences sur les mathématiques, et donc les mathématiciens, de la fameuse formule 1=2, sur laquelle nombre d’étudiants ont donné leur langue au chat, même si, ici, la formule précise est légèrement améliorée.
L’Histoire de ta vie est tout à fait particulière. Et illustre joliment les applications du principe de Fermat. Le professeur Louise Banks est appelée par les autorités militaires à travailler avec le Dr Gary Conelly dans le cadre de rencontres avec des créatures extraterrestres. Tout l’enjeu, du point de vue militaire étant de soutirer un maximum d’informations de celles-ci en en révélant un minimum en échange. Mais encore faut-il comprendre leur langage dans toutes ses dimensions. C’est à quoi s’attachera Louise qui raconte ici son expérience en l’entrecoupant de lettres à sa fille.
Soixante-douze lettres, ou comment animer un golem qui pourrait se reproduire… selon les errements de la science au siècle dernier, quand s’y mêlent justice sociale et privilèges de classe… sans parler du religieux, bien sûr.
L’évolution de la science humaine. Un texte très très court : juste un petit compte-rendu du rôle du savant dans l’évolution de l’humanité dans le cadre du TNN, transfert neural numérique. Hélas, en rendant très bien tout l’ennui qui s’attache à ce genre de compte-rendu de magazine scientifique.
L’Enfer, quand Dieu n’est pas présent. Lorsque Dieu se manifeste à travers ses anges, cela dépasse tellement l’échelle humaine que les miracles qui se produisent sont aussi bien des merveilles que des calamités. Normal. Pour Neil Fisk qui vient de perdre sa femme lors de la manifestation subite de l’ange Nathanaël, toutes les guérisons concomitantes valent moins que de la roupie de sansonnet. Ce qui lui importe, par contre, puisque son épouse est partie au Paradis, c’est de l’y rejoindre plutôt que de se retrouver en Enfer. Seulement, pour ça, il lui faut parvenir à aimer – et avec sincérité – ce Dieu qui lui a toujours été indifférent. Cela ne va pas être facile. Un petit délice d’humour noir à mon goût.
Aimer ce que l’on voit : un documentaire sur la proposition d’adoption de calliagnosie pour l’ensemble de l’université de Pembleton. Les partisans, les antis, les experts, les motivations humanistes et les intérêts en jeu… comme si vous y étiez, avec tout le plaisir de la réflexion sur cet éternel et fascinant sujet qu’est la beauté. J’ai beaucoup apprécié.
Éditions FolioSF
409 pages – 7 €
ISBN : 978-2-07-040688-3