« Le Pays fantôme » de Patrick Lee
Suite de L’entité 0247, mais pouvant se lire indépendamment sans trop de difficulté, Le pays fantôme remet en scène le dur-à-cuire Travis Chase et la belle scientifique Paige Campbell. Le ressort dramatique et principal argument fantastique est toujours la Brèche, cette anomalie spatio-temporelle découverte dans le désert du Wyoming, ainsi que les objets hyper technologiques appelés « entités » qui en sortent régulièrement. Travis se retrouve donc de nouveau en service alors qu’il avait juré à la fin du premier tome qu’on ne l’y reprendrait plus, la faute à une révélation fracassante sur son futur. Les évocations de cette révélation et des tours de passe-passe temporels qu’elle sous-entend sont d’ailleurs le seul facteur d’incompréhension éventuelle pour le lecteur n’ayant pas pris connaissance du premier tome. Si Travis fait une entorse à son serment c’est bien entendu de la faute de Paige Campbell. Il faut dire que cette dernière est en danger de mort depuis qu’elle a découvert les pouvoirs un peu trop visionnaires d’une entité et qu’elle s’est de fait mise involontairement en travers d’une conspiration touchant les plus hautes sphères gouvernementales. Qui d’autre qu’un héros solitaire hollywoodien en diable pourrait la sortir d’un tel mauvais pas ? Il ne faut pas s’attendre à beaucoup de subtilité en lisant « Le pays fantôme ». Patrick Lee semble s’être plus abreuvé à la source des scénarios de films de Bruce Willis ou d’Arnold Schwarzenegger qu’à celle des classiques de la SF. Si la science-fiction n’est pas ici qu’un prétexte et se révèle l’un des piliers du récit, elle est davantage employée pour ses invitations au vertige que pour l’édification intellectuelle du lecteur. D’ailleurs l’auteur ne se risque jamais sur le terrain des explications et évite sciemment l’emploi de toute terminologie science-fictive, à l’exception presque réticente du mot « trou de ver ». Pour la suspension d’incrédulité, il est conseillé de prendre exemple sur les protagonistes : on accepte la réalité, aussi tordue soit-elle, sans se poser de questions et on ne s’en empêche pas de dormir pour autant. De toute manière la lecture de ce roman ne laisse pas le loisir de trop s’interroger tant l’action y est omniprésente et les héros ne cessent de tomber de Charybde en Scylla. Heureusement pour eux, ce sont des modèles d’efficacité. Travis, et dans une moindre mesure ses deux compagnes d’infortune, fait montre d’autant de ressources face aux difficultés qu’il a peu de scrupules à les appliquer. Si l’intrigue en perpétuelle surenchère a pour corolaire une narration dynamique se jouant des temps morts et truffée de cliffhangers, elle nuit ici considérablement à la personnalité des protagonistes. Que la mort les menace, que le fantastique surgisse brutalement dans leur vie ou bien que l’être aimé soit à portée de bisous, pas la moindre émotion ne s’affiche. C’est tout juste si Travis verse sa petite larme devant la scène la plus poignante du roman. Mais ce passage fait tellement figure d’exception qu’il en devient malheureusement incongru. Et si on imagine sans peine un paralytique facial tel que Steven Seagal incarner le héros, on se dit qu’il conviendrait également pour jouer le méchant, impassible devant l’enchaînement de ses déconvenues et l’épidémie de morts violentes touchant ses hommes, voire qu’il aurait ses chances, moyennant perruque blonde, dans le rôle de la scientifique iconoclaste Paige Campbell, stoïque lorsque ses collègues se font dessouder et n’hésitant pas à se frayer un chemin chez l’adversaire à l’arme automatique pour que triomphe la vérité. Ce travers mis à part, cela reste un assez bon moment de lecture pour peu qu’on mette son cerveau de côté et qu’on ait envie de se délasser entre deux tomes de hard-science. Et il est probable que d’autres volumes suivent, la Brèche étant autant prodigue en entités extraordinaires que l’auteur en idées de thrillers à rebondissements, comme nous le prouvent ce roman et le précédent. Il n’est cependant pas certain que le lectorat habituel de l’Atalante suive le mouvement.
Éditions L’Atalante
327 pages – 19 €
ISBN : 978-2-84172-585-4