« Magiciennes et sorciers » de Stéphanie Nicot
Une anthologie présentée par Stéphanie Nicot dans le cadre des Imaginales, ce festival d’Épinal devenu un rendez-vous incontournable de l’imaginaire.
Un florilège d’auteurs plus et/ou moins connus pour quatorze nouvelles avec pour résultat d’ensemble un réel plaisir de lecture.
Cœur de serpent de Sire Cédric. Une heroïc fantasy de chez fantasy, très classique donc mais très amusante en ce qu’elle rend hommage à Howard tout en le parodiant via une remise au goût du jour. Adieu, héroïnes fragiles et guerriers tout-puissants !
Avec Djeeb l’encharmeur, Laurent Gidon fait une petite incursion dans le passé du personnage de Djeeb le Chanceur, avec une mise au point bien précise sur ce qui relève de la magie… et ce qui relève des magiciens.
Les Toiles déchirées de Charlotte Bousquet sont celles à travers lesquelles on découvre les liens réels qui rattachent la jeune Dionisia à son enfance et peut-être celles que chacun doit déchirer à son tour pour rejoindre la sienne.
Exaucée de Maïa Mazurette est un texte court et plein d’humour, même si la chute en est prévisible dès les premiers mots. Une vraie mise en garde qui rappelle que lorsque l’on fait appel à la magie, il faut être très très précis dans ses demandes quoique, de nos jours, tous les apprentis magiciens le sachent bien.
T’humilierai de Justine Niogret rappelle que la cruauté engendre d’autres cruautés, même si toutes ne sont pas rétribuées de la même façon.
L’Ultime illusion d’Érik Wietzel est en réalité celle de Malgorn Zalek, vieux magicien perclus auquel une voyante a promis un trésor au bout de la route et qui y trouvera bien un trésor mais assurément pas celui qu’il escomptait. Et nous y trouverons nous un petit conte tout moral et tout agréable.
In Cauda venenum de Rachel Tanner est une courte pause au cours de laquelle Judith de Braffort, au cours de son voyage de retour, aidera une dame romaine à découvrir qui souhaite sa perte. Toutefois, il est des ennemis contre lesquels la plus puissante des magies ne sert pas à grand’chose. Quel dommage que l’auteur ait abandonné, momentanément on peut le souhaiter, cette jeune magicienne au caractère bien trempé.
Julien d’Hem, lui, conte l’histoire de Margot. Une histoire qui aurait pu être celle de beaucoup de filles de la campagne, et dans un passé pas si lointain, sauf que Margot, elle, se verra offrir une possibilité de vengeance qu’elle utilisera vraiment au mieux.
Sylvie Miller et Philippe Ward choisissent de se faire conteurs du Pays basque avec une jolie légende, celle qui vit Le Crépuscule des maudites à la Renaissance. Une époque de lumière qui préfigurait pourtant le crépuscule de tous les dieux.
L’Autre de Pierre Bordage n’évoque de magie que celle du verbe et illustre brillamment que celui qui parle, ou sait parler, est celui qui possède le pouvoir. Et c’est rarement un pouvoir tourné vers le bien, comme en atteste la vie quotidienne. Heureusement, le pouvoir de l’auteur sur le texte est absolu.
Respectons les procédures de Jean-Claude Dunyach m’a beaucoup amusée. Qui, mieux qu’un troll, peut connaître réellement les arcanes des procédures administratives ? Comme la vie est plus facile lorsqu’on les suit !
Quelques grammes d’oubli sur la neige, écrit Lionel Davoust, mais peut-on oublier ? Le passé, peut-être, mais l’avenir ? Le jeune Ludward n’aura pas trop de toute sa vie pour raconter ses souvenirs, depuis le temps où Childe Karmon, roi bienveillant du royaume miséreux de Mandre chercha à obtenir l’aide de la sorcière Irij en dépit des mises en garde de Vuofald, prêtre de Wer. Ici aussi, une élégante réflexion sur le pouvoir.
La Troisième Hypostase, de Jean-Philippe Jaworski, évoque Lusinga, mortelle devenue plus que mortelle par la grâce de Gilliomer, parfait érudit elfique. Mais si érudit soit-il, il est parti en Léomance, ainsi que deux autres amis très chers, pour repousser l’ennemi, et toute la magie de Lusinga, restée seule à Llewinned peut-elle suffire à affronter ses propres épreuves ? Une fort belle nouvelle parée d’une touche d’ésotérisme.
L’anthologie se clôt sur Chamane, de Fabien Clavel. L’histoire du jeune Pannonius, apprenti de Nemél, chamane des Sept tribus émigrant depuis l’Entre-les-Fleuves vers la Pannonie, et ce qu’il advint de sa rencontre avec la magie des Avars. Une nouvelle que j’aurais trouvée excellente, se fut-elle arrêtée une page plus tôt. Dommage, surtout en fin de volume.
Si tous ne se valent pas, c’est là un choix de textes très différents et suffisamment pleins d’intérêt pour en valoir la peine.
Éditions Mnémos – Fantasy
287 pages – 20 €
ISBN : 978-2-35408-079-2