Marmite & Micro-onde n°14
C’est ma première chronique de Zine,
C’est ma première chronique cuisine !
(sur l’air de « c’est ma première surprise party »)
Donc, un premier service : c’est aussi la première fois qu’il m’est donné de lire Marmite & Micro-Onde. Vous me direz que je n’avais qu’à télécharger les autres numéros, et vous auriez raison. Mais bon, je découvre. Au premier abord, la maquette ne semble rien sacrifier à la mode limpide et aérée qui prévaut dans beaucoup de fanzines actuels (citons Univers d’Outremonde, Univers & Chimères…). Ici, c’est du dense, de la cuisine de ménage, du nourrissant. À l’usage, et une fois digérée la contestable illustration d’en-tête – cet alien à blaster et lunettes noires sortant d’un chaudron, cela semble très consommable. Malgré un look d’organe d’information paroissiale, le choix d’un module sur trois colonnes se révèle judicieux puisque facile à lire. L’édito remplit bien son office, tout en modestie sincère et introductive. Il précise le retard à la cuisson du numéro, et explique un sommaire au régime. En effet, outre les excellentes Actualités de M&M par Philippe Heurtel, seulement deux vraies nouvelles et trois petites perles qualifiées de « mises en bouche ». La bio des auteurs, factuelle mais personnelle, précède chaque texte sans encombrer. Les couverts bien en main, on peut s’attaquer au gras du zine?
Le ravissement de Stanislas (Bonobo Groovy) par NöönK
Que pense un singe, amoureux de sa vétérinaire, avant de passer à la casserole d’icelle selon une recette exotique pêchée sur Internet ? On peut répondre qu’on s’en moque, mais au moins c’est curieux. Un joli jeu de mot dès le titre (Stanislas, à la fois kidnappé et ravi de l’être) m’avait alléché. Hélas, l’auteur(e) de cette histoire un peu bancale se perd dans des détails peut-être inutiles et parfois incohérents, s’obstine à maintenir l’ambiguïté quant à la personne du héros (un singe, c’est confirmé par le sous-titre), puis s’engage dans une improbable scène de ménage autour d’un repas à l’origine douteuse… Le plat qui se voulait relevé, voir corsé, est rendu filandreux par les nombreuses approximations, tant dans la narration que dans l’expression (des phrases parfois plus longues que celles de cette chronique, des répétitions qui n’auraient pas résisté à une simple relecture…). Pourtant, la piste juste esquissée d’un masochisme gaillard chez l’animal aurait pu se révéler prometteuse. Mais elle est abandonnée en cours de route pour ne ressurgir qu’in fine. Peut-être n’ai-je pas tout saisi ? Comme l’illustration hésitante ne m’a pas incité à creuser… passons à la suite.
l’Attente par Colette Pulcini
C’est court, c’est vif, et ça traite de la vie en répondant à la question « qu?est-ce qui est petit, vert, et pousse dans le jardin en s’interrogeant sur sa place dans le monde ? ». Colette Pulcini – dont c’est le premier texte – nous fait partager l’angoisse libératrice du *spoiler* dans une mise en bouche très réussie. Une trame classique d’historiette à chute sur la nature du narrateur, mais allègrement cuisinée. A suivre sans doute.
Les Trois Chauves par Gaël Briand
Si vous n’aviez jamais été confronté aux tourments du dernier légume au fond du frigo, l’opportunité vous en est offerte par Gaël Briand. En quelques six cents mots, il traite de l’arbitraire et de sa vénération, de la transmission, et de l’espoir résistant à la progression des rides, heu? de la moisissure. On pourra dire que c’est peu de chose. Mais comme en plus c’est plutôt drôle…
Si j’étais un poisson pané par Céline Brenne
Un poème de friture, une ode surgelée, et une quête du bonheur à poêle. C’est savoureux et bien troussé. Et comme Céline Brenne réussit l’exploit d?avoir une bio presque aussi longue que son texte (à 60 caractères près), je ne commenterai pas mon plaisir plus avant.
Le Goût du Secret par Jérémie Belot
Mettre sa plume dans les doigts gourmands d’Alexandre Dumas, il fallait oser. Jérémie Belot n’hésite pas et s’en tire très bien, en nous déroulant la fine pâte d’une intrigue judiciaro-culinaire sur son lit de détails historiques. Bien sûr, prose et trame semblent plus proches de Gaston Leroux que de l’auteur de Monte Cristo. Bien sûr, l’explication du mystère n’est pas époustouflante. Mais il est bien agréable de suivre Alexandre Père et Gérard de Nerval, de cuisine en geôle, de sous-bois en château. On y reconnaîtra un personnage célèbre en gestation. La fin nous donnera raison. Qu’incipit et conclusion soient de la bouche même de Dumas ajoute encore au plaisir. Voilà donc le vrai plat de résistance de cette petite marmite : cela ne fait pas un menu, mais vaut le coup de fourchette.
En résumé, quelques approximations lexicales et orthographiques, des illustrations dispensables et un certain déséquilibre dans le choix des textes ne gâchent en rien ce beau travail d’amateur (rappel : personne qui aime, qui cultive un art pour son seul plaisir – et aussi pour le nôtre).
— Don Lo
Marmite et Micro-Onde n°14
12 pages
Téléchargement gratuit (PDF compressé) : oeildusphinx.com/marmitonde.htm
Envoi version papier contre deux timbres à Philippe Heurtel, 9-11 rue des Lavandières St Opportune, 75001 PARIS.
Périodicité aléatoire.