« Merry Gentry I – Le Baiser des ombres » de Laurell K. Hamilton
La détective Merry Gentry revient au pays des Feys pour y retrouver sa tante et les nombreux guerriers amoureux d’elle. Que projette la terrifiante Reine pour sa nièce rebelle ?
Retour de la seconde série à succès de Laurell K. Hamilton, après sa fameuse Anita Blake. Merry Gentry est aujourd’hui republiée chez J’ai Lu, sept ans après Fleuve Noir/Terreur (oui, à l’époque, la bit-lit balbutiante était encore vendue comme de l’horreur, dont elle est souvent un sous-genre).
Eh bien, contre toute attente, cette première aventure de la détective originaire de la Féérie est plus intéressante qu’au moins les trois premières de la belle Anita (puisque, c’est mal, je n’ai pas eu le courage d’aller au-delà).
Soyons clairs : Le Baiser des Ombres est un chouette roman de fantasy urbaine… érotique. Milady nous avait déjà offert du porno bas de gamme (mais rigolo à petite dose) avec Pleine Lune, du porno plus pervers et de qualité avec Démon Intérieur (la série s’effondrant totalement dans l’ennui avec le second tome, Moindre Mal). Cette fois, J’ai Lu, dans ce qui restera connu des générations futures comme la guerre (commerciale) de la bit-lit (vous avez vu Le Baiser du Démon chez Orbit ? La bit-lit est partout) riposte avec l’antérieure Merry Gentry !
Laurell K. Hamilton met le paquet, servie par une très belle plume (dommage qu’il manque le nom du traducteur). Sans doute d’une même qualité que celle de Kelley Armstrong (Morsure), l’écriture de Hamilton, bien plus ici que dans Anita Blake, fait sortir la bit-lit de la littérature de gare basique. Le Baiser des Ombres pourrait même être un petit joyau de la littérature érotique, une sorte d’Emmanuelle surnaturel (le premier roman d’Emmanuelle Arsan, vraiment infiniment meilleur que son adaptation cinématographique timorée).
Merry Gentry est très portée sur la chose, ce qui est très sain et naturel. Dès le début, elle fait l’amour avec un sadique qui cogne ses maîtresses…, sale type bientôt dévoré vivant par des araignées. Scène ultra efficace qui allie horreur et sexe, idéale pour les fans d’aphrodisiaques, d’arachnides et d’huile de massage. Un extrait, en ce qui concerne l’horreur (p.78) : « Sa peau avait éclaté et une vague de petites araignées noires s’en échappait. Elles grouillaient maintenant sur tout son corps comme un liquide noir, une seconde peau qui remue et mord. (…) Elles coulaient dans sa bouche pendant qu’il criait. Il suffoquait, s’étouffait, mais continuait désespérement à hurler. » Ça vaut bien du Masterton ou du Koontz.
Hilarante en revanche la scène du commissariat où l’aphrodisiaque magique rend surexcités tous les flics présents ! Notons cependant que la môme Hamilton ne fait jamais dans le porno technique, vulgaire ou crasseux. Non, ses très longues descriptions érotiques baignent pour la plupart dans une sensualité débordante et un esthétisme réel, ce qui nous fait d’ailleurs parler d’érotisme (oubliez les téléfilms ringards et frileux genre W9 le dimanche soir, le véritable érotisme n’a décidément rien à voir). Pour ceux qui en douteraient, comparez donc avec une scène X d’un quelconque Gérard de Villiers, la différence saute aux yeux !
Hamilton soigne aussi une scène d’amour avec un homme pourvu de tentacules (Cthulhu rencontre O !). Un esprit intolérant pourrait trouver la scène répugnante, trash. Elle ne l’est nullement. Le fantastique assumé permet enfin de renouveler l’érotisme. On reproche souvent leur répétitivité, voire leur monotonie, au X ou à l’érotique. Hé ! Pas étonnant, même en exploitant toutes les perversions possibles, la sexualité humaine est loin d’être infinie. La fantasy apporte une solution idéale à la chose.
Le vampirisme, cheval de bataille de Hamilton dans Anita Blake, est présent sous différentes formes : femmes-papillons qui torturent un infortuné amant de Merry (scène horrifique d’une beauté frappante !) ou absorption de sang par la belle Merry en personne. Le vampirisme est aussi une pratique sexuelle, tout se tient (jetez donc un œil sur l’excellent documentaire Vampyres de Laurent Courau).
Merry est aussi portée sur la douleur : « J’aime un peu de sang, un peu de douleur, mais cette blessure était bien trop profonde et bien trop récente ».
Si l’on considère que Merry, à la fin du roman, doit coucher avec le plus de gardes royaux possible afin d’enfanter un héritier, on imagine aisément la teneur des futurs exploits amoureux de ce qui restera l’une des plus chaudes héroïnes de la bit-lit ! Pour information, les vingt-sept gardes royaux n’ont pas eu le droit de faire l’amour depuis des siècles…
Seul véritable reproche que l’on peut adresser à Laurell K. Hamilton : le roman est beaucoup trop long, avec trop de personnages (pour l’instant) inutiles (les collègues détectives, au début). L’épaisseur est une caractéristique de toute la bit-lit et d’une bonne partie de la littérature actuelle… Même si Le Baiser des Ombres s’avère très vite séduisant pour l’amateur de chair fraîche, l’intrigue, pas inintéressante, n’en reste pas moins ténue et ne nécessitait en aucune façon 540 pages.
Il est quand même permis de se laisser embrasser par la belle Merry à travers ce Baiser des Ombres.
Éditions J’ai Lu
540 pages – 8,90 €
ISBN : 978-2-290-02418-8