Notes de Merveilles 6
Le sixième opus de Notes de Merveilles se consacre à ce sujet à la fois si évident et si délicat qu’est le Livre. Qu’il s’agisse de l’objet, de son contenu ou de la relation indicible qui lie l’auteur et son lecteur, une poignée d’auteurs a relevé le défi de donner sa vision du thème par le biais de fictions, d’un article et d’un pseudo essai.
« Comment faire un bon livre publiable » de Jonathan Rambert.
Malgré un titre alléchant, il s’agit moins ici de donner des conseils d’écriture et de publication que de se moquer gentiment de toutes les méthodes plus ou moins pertinentes qu’on trouve en librairie et sur Internet. En effet la recette proposée par l’auteur est une recette… culinaire. Calquée sur celles délivrées par les livres de cuisine, avec ses ingrédients et son mode de préparation et de présentation, le texte fait semblant de distribuer des avis utiles et multiplie les clins d’œil. Cependant, sous cette apparence de légèreté pointe un début d’indigestion : ce qui paraît amusant au début devient assez vite lassant, le texte tourne en rond et se révèle trop copie conforme d’une recette pour surprendre le lecteur. Qui plus est, il n’est pas exempt de maladresses.
« Les jumeaux » de François Baldo
L’avantage qu’on trouve à lire des fanzines par rapport à des revues professionnelles, c’est la proportion plus importante d’Objets Littéraires Non Identifiés qu’on y déniche. Pour le meilleur et pour le pire. « Les Jumeaux » fait à mes yeux partie de la seconde catégorie : ce récit, davantage fantasmatique que fantastique, à propos d’un livre compilant de lourds secrets, part dans tous les sens ; le style est aussi approximatif et confus que l’histoire proprement dite. Et l’auteur a la curieuse idée de jouer les têtes d’affiche (du moins, le personnage principal a son nom et apparemment son âge) peut-être dans une tentative baroque de justifier la teneur fantastico-occulte de sa future production littéraire. Un texte que je qualifierai en l’état d’impubliable.
« La jeune fille qui se taisait » de Sarah Chartier
Pour sa première publication, Sarah Chartier nous sert un mini-polar teinté de fantastique. Une enquête intimiste dont la principale pièce à conviction est un livre trouvé entre les mains d’une jeune fille morte. Le livre mènera à d’autres livres et à l’exploration de la relation entre la lectrice décédée et l’auteur des ouvrages. La résolution de l’affaire n’est pas d’une grande clarté mais l’ensemble tient bien la route avec son style tout en retenue et la légère mélancolie qui plane au dessus des protagonistes.
« Le pouvoir des mots : histoire de la relation entre la presse et l’Etat, des origines à 1939 » par Aurélien Zaragori.
Aurélien Zaragori, le Alain Décaux de Notes de Merveilles, évoque la genèse de la presse et l’évolution de ses difficiles relations avec le pouvoir. Comme d’habitude, concision, esprit didactique et soucis de vulgarisation caractérisent l’article. Un digest habile avec son lot d’anecdotes croustillantes à conseiller à tous ceux qui rêvent de connaître l’origine du mot « Gazette », de savoir de quand datent les premières critiques (qui étaient essentiellement littéraires à leur début), à quelle date a été évoqué la notion de Liberté de la Presse et quels ont été les premiers gros quotidiens français.
Outre un poème de Victor Hugo et une chronique littéraire, le fanzine propose deux courtes nouvelles hors sujet.
« Décalage » de François Olivier
Le double récit parallèle d’un cadre français hypertendu et d’une japonaise adepte de la tranquille cérémonie du thé. Plus qu’un décalage, c’est ici d’un contraste frappant dont il est question : le premier court tellement qu’il distance sa vie au risque de la perdre ; la deuxième, contemplative et emmurée dans des traditions, laisse sa vie la devancer. Les deux ont-ils l’espoir d’un jour se rejoindre ?
Un récit habile et épuré dont on regrette qu’il ne soit pas plus long.
« Le syndrome de Frijstoll » de Thomas Dumoulin
À contre-courant de sa production habituelle, Thomas Dumoulin nous propose un récit rapide et décalé qui s’enchaîne à merveille au texte qui le précède. Encore une histoire d’intolérance à la pression et de recherche d’un havre de paix. Mais à une toute autre échelle. Une très grande échelle.
Pas grand chose à reprocher à cet agréable texte apéritif, si ce n’est une conclusion assez sibylline.
Bref, un numéro qui démarre de manière assez hésitante mais qui, une fois acquise sa vitesse de croisière, se révèle un plaisant moment de lecture.
— Neocrate
Bimensuel
64 pages, format A5
2,50 €
notesdemerveilles.free.fr