Outremonde 3
Dans la famille webzine, voici Outremonde, une revue électronique téléchargeable gracieusement, fruit du travail et de la passion d’adeptes d’un forum d’écriture. Ses particularités ? Une maquette impeccable, faisant la part belle aux illustrations, et une régularité de parution pratiquement devenue une gageure dans le monde du fanzine. Passée de 76 à 100 pages depuis le numéro 2, la revue suit son petit bonhomme de chemin et s’essaye au numéro semi thématique par le biais d’appel à textes ciblés. Ainsi trois nouvelles et un article de ce numéro traitent de la fantasy celtique. Les quatre autres textes embrassent le reste du spectre des littératures de l’imaginaire en empruntant les voies de la science-fiction et du fantastique, tandis qu’une interview de l’auteur Roland C. Wagner comblera tout lecteur qui se respecte.
J’oubliais une dernière excentricité au sujet d’Outremonde : le format des biographies des auteurs et des illustrateurs. Elles s’exposent sous l’aspect de fausses interviews loufoques dirigées par le baron et la baronne de Castelfiel, deux artistocrates « vieille France » aussi imbus d’eux-mêmes que condescendants vis-à-vis de leurs invités. On aime ou pas. Personnellement, j’ai lu la première en diagonale et délaissé les autres. Non seulement je ne saisis pas tellement la pertinence de ces présentations à la tournure un peu téléphonée, mais leur longueur oblige à délayer les informations concernant les interviewés et casse le rythme de la lecture du webzine. Sans aller jusqu’à supprimer cette initiative, il serait vraisemblablement bon d’instituer un échange non simulé entre l’auteur et un membre de l’équipe incarnant un de ces personnages, et d’aller à l’essentiel.
Au niveau des illustrations, une partie est en « 3D ». Au risque de paraître vieux jeu, ce n’est pas ma tasse de thé : les images, froides et rigides, semblent ringardes avant l’heure. En revanche, au rayon des dessins plus classiques, c’est une réussite complète : de la femme-dragon en crayonné de Nadia aux peintures somptueuses de Fabien Fernandez et de Magali Villeneuve en passant par le ver cauchemardesque d’Alain Mathiot, on touche à l’extase visuelle.
Le Flambeau d’Outremonde de Franck Marcadier – illustration de Nadia
Un récit en forme de prologue ouvert qui a l’ambition de stimuler l’imagination et d’initier un cycle de nouvelles émanant d’amoureux de l’écriture collective. L’initiative est originale même si le résultat risque d’être un poil désordonné au vu de la liberté accordée aux participants. Ce prologue met en scène un Ecrivain, avec un grand E, en balade dans les rues enténébrées de Londres et qui rencontre un impitoyable bateau-dragon incarnant l’Art. Hallucination ? Réalité ? La réponse à vos questions dans ce récit à l’écriture raffinée mais qui souffre d’être trop descriptif et emphatique pour ne pas pencher vers la littérature pour littérateurs.
Le chemin d’une vie de Théo – illustration de Nathy
Une vision de l’au-delà glaciale et morne : un homme, ou ce qu’il en reste (son âme ?) après un accident mortel, suit une ligne bleue qui résume sa vie et ses rencontres marquantes avec les êtres qui lui furent chers. Avec une prose directe et efficace, l’auteur nous emmène le long d’une histoire qui, si elle ne se révèle pas renversante, est fort bien menée.
Nennius de Georges Bernay – illustration de Fabien Fernandez
L’histoire de Nennius, une sorte de druide aux allures de brute, et de sa traversée d’un lac pour rejoindre une île qui n’existe pas. Un conte baroque, dur et sensuel, qui vaut surtout pour son personnage principal haut en couleurs, à mon sens insuffisamment exploité. Le récit, malgré sa fluidité et sa beauté sauvage, laisse un goût d’inachevé et beaucoup d’interrogations dans l’esprit du lecteur.
Article sur Slain par Guy-François Evrard
Slain, vous connaissez ? C’est une bande-dessinée avec un environnement qui emprunte aux légendes celtiques et un héros qui possède la Conan attitude.
Guy-François Evrard s’est dit que ça serait une bonne idée de faire un résumé des quatre premiers ouvrages et un glossaire des différents protagonistes et objets qui parsèment le cycle.
La preuve qu’on peut chroniquer une œuvre sans y introduire le moindre gramme d’analyse. Reste à savoir qui cela peut intéresser.
Liténa la maudite de Sébastien Clarac – illustration de Magali Villeneuve
Le récit plein de sang et de fureur de la bataille qui eut lieu dans la forêt de Liténa, entre des Romains avide d’achever leur conquête de la Gaule et des Gaulois acculés, prêts à la pire infamie pour repousser l’envahisseur. Une narration vivante et une histoire où action et émotions fortes sont prépondérantes font de cette nouvelle un agréable moment de lecture. À condition de mettre de côté le manque de finition du texte et les étourderies qui l’émaillent (« Sa décision resta cependant indécise… », « L’homme écuma son sang par les lèvres. »…).
Les barbares de Zali F. Falcam – illustration de Tiger-222
Les barbares, ce sont Schella et son garde du corps Brenoss, ces deux Gaulois qui aimeraient rendre hommage aux dieux et à la nature. Mais il en est des divinités ancestrales comme des civilisations : aucune n’est éternelle.
Un texte court et touchant de nostalgie.
La dernière chevauchée des immortels d’Eric Gillard – illustration de Bernie
Le récit de l’ultime bataille des Immortels, ces guerriers d’élite au service d’une planète colonisée. La transposition space-opera d’unités et d’armes grecques ajoutée au côté « fort Alamo » de l’escarmouche est sympathique. Qui plus est, le style est aussi précis que la narration est épique. Dommage que l’ensemble soit si court et que le background ébauché n’ait pas été traité plus en profondeur.
L’en-deça de Cyril Carau – illustration de Alain Mathiot
Cette histoire nous présente une vision de l’enfer tout ce qu’il y a de plus effrayante et peu ragoûtante. Heureusement, un damné va faire en sorte que cela change.
Le style est ici chatoyant et profus, mais l’auteur a une fâcheuse tendance à faire primer la forme sur le fond. Cela nous donne un texte qui se déclame davantage qu’il ne se lit.
Sans oublier la fin sibylline pour achever de perdre le lecteur.
Un bilan en demi-teinte pour cet opus. Pas de mauvais textes mais pas vraiment de récits marquants non plus, et quelques interventions à mon sens dispensables (les délires des Castelfiel, l’article sur Slain). On sent le dynamisme et l’enthousiasme de l’équipe dans la soif d’expérimentation tous azimuts qui imprègne le fanzine. Reste à les canaliser et à viser davantage la concision (100 pages pour un fanzine électronique, c’est long).
Tous les éléments sont réunis pour faire d’Outremonde un webzine de référence.
— Neocrate
96 pages (Format A4)
Trimestriel
outremonde.info
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