« Pleine lune – Riley Janson I » de Kerry Arthur
La pleine lune approche à grands pas. Riley Jenson, à cause de son sang de lycanthrope, est surexcitée sexuellement. Pas de chance, alors qu’elle pourrait s’éclater tranquillement avec ses deux amants, son frère disparaît au cours d’une mission. Tous deux font partie du Directoire, une sorte de super police pour non-humains. Au cours de son enquête, Riley tombera amoureuse d’un nouvel amant, l’ultra viril vampire Quinn !
Dans l’esprit de beaucoup, la bit-lit, c’est un peu du Harlequin fantastique, de l’épouvante fleur bleue, des histoires à l’eau de rose avec vampires et loup-garous.
S’il est vrai que ce sous-genre de la fantasy urbaine axe souvent ses récits sur des histoires d’amour plus ou moins impossibles entre l’héroïne et des créatures de la nuit (par exemple, Buffy contre les vampires avec la belle romance Buffy/Angel), d’autres ingrédients font aussi partie de la recette.
Quand on n’est pas familier avec le genre, on n’y pense pas, mais l’action est souvent au cœur de ces bouquins pleins de bagarres et de cascades. C’est un moteur essentiel des aventures d’Anita Blake et Buffy, les deux icônes à l’origine du phénomène. Ça se bagarre et ça court dans tous les sens. Arts martiaux, poignards, flingues chargés de balles en argent, tout y passe. Peut-être même est-ce l’une des raisons qui font que le genre plaît aussi aux hommes, alors que le public féminin semble davantage visé à la base.
On pourrait citer l’humour aussi, omniprésent dans la plupart des séries, mais c’est plutôt de sexe dont nous allons parler maintenant. Difficile, sans être spécialiste, de savoir qui a lancé la mode en bit-lit. On sait juste que Laurell K. Hamilton, brusquement prise de frénésie, a décidé de plonger son Anita Blake dans des ébats aussi nombreux que variés au bout d’une dizaine de tomes de sa série culte. Est-ce à partir de là que les auteures de bit-lit se sont lâchées, misant à fond sur l’érotisme voire le porno ? Ou Hamilton a-t-elle introduit cet élément justement pour faire face à une concurrence envahissante ? Seule une étude plus approfondie de la bit-lit, qui irait bien au-delà de ce simple article, pourrait nous le dire.
Pour mémoire, les Harlequin se seraient longtemps vu amputés de leurs scènes hot en version française. Ces petits romans de gare pour femmes seraient nettement plus osés aux Etats-Unis… On imagine souvent les américains comme des puritains pudibonds, à la différence des Européens plus libérés en la matière. Une fois de plus, les préjugés sont trompeurs.
La bit-lit ne semble pas prendre le même chemin d’auto-censure, même si sur les forums spécialisés on s’aperçoit que nombre de fans françaises d’Anita Blake sont déçues du tournant classé X de leur série favorite et vont même jusqu’à l’abandonner…
Alors, pour qui sont ces scènes ? Pour le lectorat masculin de la bit-lit ou pour les femmes qui en sont tout autant émoustillées ? Toujours est-il que nombre de séries bit-lit sont à réserver aux seuls adultes, un peu comme SAS ! Il en va ainsi de Morgane Kingsley (Démon intérieur est un chouette délire porno, hetero, homo et sado-maso ! Ce qui fait beaucoup de 0.), de Georgina Kincaid (Succubus Blues est clairement une comédie érotico-fantastique) et, à en juger par ce premier volume, de cette Riley Jenson.
Pleine Lune, toujours cru et souvent vulgaire, n’est ni plus ni moins qu’un roman porno avec des vampires et des loup-garous obsédés. Tout tourne autour de la fringale sexuelle de l’héroïne (encore une dhampire, comme dans l’excellent Au bord de la tombe, mais cette fois métisse loup-garou/vampire sans que cela apporte quoi que ce soit au propos). Riley Jenson a beau vouloir sauver son frère et enquêter sur une sombre affaire de clones, elle ne pense qu’à ça, quelle que soit la situation ou le lieu. Ses ébats sont détaillés en long et en large. Même le combat final tourne à la joute sexuelle ! On dirait un personnage de nymphomane tout droit sorti d’un Marc Dorcel. D’ailleurs, presque tous les hommes du roman sont des Rocco Siffredi brutaux et d’une endurance à toute épreuve. Au début, c’est très amusant. Après ça fatigue un peu. Riley Jenson est littéralement insatiable…
On peut dire que Pleine Lune, à l’écriture très efficace et aux scènes d’action dynamiques, est un bon porno fantastique mais un tout petit roman de fantasy urbaine. La faute à un scénario-prétexte des plus minces, à une carence d’idées fantastiques un tant soit peu originales, et enfin à des personnages inconsistants. Sans oublier la répétitivité inhérente au porno – encore que même dans le genre on peut faire plus créatif (Démon intérieur). Pour être sûre de « tout mettre », Keri Arthur ajoute un peu de romance… hélas insipide.
Pour ceux qui connaissent, Pleine Lune n’est pas loin d’évoquer, en moins marrant, les B.D italiennes horrifico-sexy des années 1970, les fameuses Elvifrance pleines de vampirettes délurées (Zora, Jacula et compagnie).
Les aventures salaces de Morgane Kingsley et Georgina Kincaid, c’est infiniment mieux, car beaucoup plus intéressant au-delà des parties de jambes en l’air. Car, oui, on peut faire de l’érotisme ou du porno fantasy (en littérature la frontière est beaucoup plus délicate à définir qu’au cinéma) intelligent et prenant, en développant un univers.
Si avez toujours voulu tout savoir de la vie sexuelle débridée d’une louve-garou libertine sans jamais oser le demander, Pleine Lune est fait pour vous !
Éditions Milady
415 pages – 7€
ISBN : 978-2-812-0221-7