« Rêves mortels » de Peter James
Sam est une jeune femme hantée par des cauchemars atroces. Dans ces rêves, elle revoit le violeur assassin dont elle a accidentellement causé la mort lorsqu’elle était enfant. Pourquoi ce pervers dont la mère aurait pratiqué la magie noire revient-il la persécuter ? Pourquoi ses visions sont-elles prémonitoires ? Sam n’aura de cesse de découvrir la vérité, passant d’un psy à une voyante, prête à se raccrocher à toute explication, aussi fantastique soit-elle…
Peter James, auteur primé de polars centrés autour de la figure d’un flic récurrent, est aussi un bon faiseur de thrillers à l’américaine, tout britannique qu’il est. C’est sur ce versant de son œuvre que mise aujourd’hui Milady/Bragelonne.
Rêves Mortels est l’un de ces (trop) gros bouquins extrêmement bien fichus, vraisemblablement destinés à un large public : un thriller surnaturel voué à devenir un best seller. Même le roi du gore anglais, Shaun Hutson, s’y est mis avec l’incroyablement insipide (venant de lui) Lettres Mortes. Il est amusant de voir combien l’écriture de tous ces romans se ressemble, dans son implacable efficacité même. On pourrait se demander si cette standardisation vient du fait que nous en lisons une traduction française… Sans doute qu’ils sont en fait déjà hyper formatés en version originale : pas de raison que le contenant le soit moins que le contenu, rarement aussi dingue que chez notre Brussolo national. De plus, leurs homologues français comme le réputé Maxime Chattam ou comme un attachant Gilbert Gallerne (Le Prix de l’Angoisse) écrivent de la même façon, sans qu’on puisse y voir la patte maligne d‘un quelconque traducteur. On dirait que tout ce petit monde est allé à la même école : celle du thriller bien torché, psychologique, violent et horrifique sans l’être trop (le but étant de séduire un max de lecteurs qu’il convient donc de ne pas effaroucher avec des histoires tordues à la Clive Barker).
Le thriller/best seller à l’américaine a aussi l’habitude de présenter en long et en large la psychologie de personnages inintéressants, tragiquement normaux. Oh, avec quelques failles et blessures intérieures, bien sûr, mais rien à voir avec les malades misanthropes d’un Robert Bloch au meilleur de sa forme, un vrai maître du thriller quant à lui. Peut-être le but poursuivi est-il de permettre une meilleure identification du plus grand nombre avec eux. Rêves mortels ne fait pas exception : le couple formé par la fille en danger, brillante cadre dynamique dans la pub qui allie vie privée et vie professionnelle, et son mari qui la trompe (quelle horreur !), un insupportable boursicoteur obsédé par l’argent, est insipide au possible. Les dons de prémonition de l’héroïne exceptés, on pourrait croiser ce genre d’individus passionnants comme un dimanche de pluie dans la plupart des grandes entreprises. Non, le cadre aux dents longues qui a réussi, modèle de promotion sociale ultime offert au peuple, n’est définitivement pas un bon personnage de roman. Le bougre a bien peu à dire et à exprimer. On préfère les personnages un peu artistes et marginaux de Sire Cédric dans L’enfant des cimetières. Si l’auteur gothique s’est lui aussi mis au gros thriller fantastique, avec un succès bien mérité, il n’en oublie pas pour autant de créer des personnages principaux réellement attachants.
Peter James, sûr de ses capacités narratives (indéniable redisons-le, ça se lit super bien et très vite), ne s’encombre pas d’originalité. On ne compte plus les histoires de prémonitions et de maniaque cagoulé en littérature comme au cinéma. La femme qui prévoit l’avenir est même une grosse tarte à la crème du thriller. John Carpenter, qui a peut-être lancé la mode avec le scénario des Yeux de Laura Mars, comme Dean Koontz (Miroirs de Sang) ne s’en sont pas privés. Impossible d’innover avec un sujet aussi bateau. Sire Cédric, toujours lui, a eu le grand mérite de baser son thriller sur une légende urbaine passionnante qu’il a créée de toutes pièces.
Reste des scènes de trouille impeccablement réalisées (on peut parler d’écriture cinématographique), qui feront gentiment frissonner le lecteur qui en aura pourtant lu et vu bien d’autres. L’agression du métro, autre cliché, vaut ainsi son pesant de cacahuètes et tiendra tout le monde en haleine. Regrettons cependant un méchant bien peu charismatique, qui sent l’ail et vomit des insanités avant de s’en prendre à notre infortunée héroïne. On peut lui préférer la classe ténébreuse et silencieuse des tueurs du « giallo », le psycho-thriller italien au cinéma, dont les maîtres furent Dario Argento, Mario Bava et Sergio Martino. Eux-aussi amateurs de cagoules et de gants de cuir, ils étaient autrement plus impressionnants.
Enfin, toujours est-il que Rêves Mortels est un authentique « page-turner ». Preuve que l’intrigue, ici très linéaire et même décevante à la fin malgré un surnaturel assumé, est pour bien peu de choses dans le plaisir que l’on ressent à dévorer ce genre de bouquins de plage. L’important est d’avoir des scènes d’angoisse bien conçues (on a même droit à une avalanche et à un crash d’avion !), servies par une écriture simple mais accrocheuse. Contrat plus que rempli par Peter James !
Éditions Milady
473 pages – 7 €
ISBN 978-2-8112-0243-9