"Rien ne nous survivra – Le pire est avenir" de Maïa Mazaurette
Dans un futur qui nous frôle les moustaches, les jeunes de France décident de s’émanciper de la dictature imposée par leurs aînés. Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous. Sauf que cette fois-ci il ne s’agit pas de jeter pavés et slogans poussifs à la face des CRS. On a vu ce que ça donnait, merci. Finie la demi-mesure. Une balle dans la tête pour chacun. Un bon vieux est un vieux mort. Et un vieux, ça commence à vingt-cinq ans.
Édité une première fois en 2004 chez Jacques-Marie Laffont sous le seul titre « Le pire est avenir », « Rien ne nous survivra ; le pire est avenir » a été complètement réécrit pour inaugurer la collection Dédales de Mnémos, collection dont la profession de foi est de mettre en lumière des ouvrages de SFFF un peu décalés. L’auteur de ce roman, la pétulante « sexblogueuse » et journaliste de presse spécialisée Maïa Mazaurette, réputée pour sa causticité et son art de taper là où ça fait mal, nous offre ainsi l’occasion de découvrir ou redécouvrir sa facette de romancière. Il est question ici d’imaginer le paroxysme de l’incompréhension et de la méfiance intergénérationnelles qui prendrait rien moins que la forme d’une annihilation mutuelle.
C’est cette courte mais brutale guerre que nous conte « Rien ne nous survivra » tout le long de ses chapitres en forme de décompte fatidique vers la date d’intervention des forces armées européennes. Car, forcément, l’issue ne peut être que dramatique pour les rebelles. L’histoire se développe autour des perspectives croisées de deux jeunes snipers, Silence et l’Immortel, tout deux très performants dans le meurtre et la posture emphatique. Le premier est l’une des figures de proue du soulèvement armé, symbole autant qu’idéologue, et cultive le mystère autour de son identité. L’autre est un wannabe plein de bonne volonté mais un peu pataud qui idolâtre le premier autant qu’il le hait, gymnastique émotionnelle qu’on ne trouve guère que dans les bandes dessinées japonaises. Les deux personnages empruntent d’ailleurs beaucoup aux héros de mangas : leur surhumanité, leur grandiloquence et l’impression donnée que le monde tourne autour de leurs destins – cela vient peut-être du fait que Maïa Mazaurette est de la génération Goldorak. Ce ne sont pas les seules personnalités du roman qui en imposent : Vatican, Narcisse et Séraphine viennent les épauler afin de donner un peu de solidité à un récit qui tend à être aussi chancelant que le Paris qu’il décrit. Car en dehors des fortes têtes marquantes de ce roman, le roman est assez plat. Un peu long à démarrer du fait d’une écriture mal maîtrisée autant du point de vue du style, mi punkisant mi à côté de la plaque, que de l’élaboration de la trame, « Rien ne nous survivra » commence à trouver ses marques grâce aux chapitres dédiés à la propagande des théoriciens de la révolution. Ces passages, bien que volontairement approximatifs et caricaturaux – il s’agit de propagande, après tout –, contiennent des amorces d’idées et de réflexion qui donnent au récit un éclairage plus subtil que ne le laissait craindre sa thématique un poil provocatrice. Par exemple et en vrac : la vampirisation à tous points de vue de la jeunesse par la société, l’instrumentalisation de leur révolte par les ex-soixante-huitards en tant que jalon historique indépassable, l’éducation nationale favorisant moins la créativité que la sclérose mentale en posant comme références des œuvres, des langues et des époques hors d’âge et hors d’atteinte. Ce mélange de pertinence et de mauvaise foi délicieuse ne dure hélas pas. La violence des jeunes contre les vieux (qui, au passage, sont tous des seniors chenus alors que l’âge de démarcation est vingt-cinq ans), des jeunes entre eux, ainsi que les problématiques d’ego des deux héros prennent rapidement le pas sur le reste. La fin du récit s’enfonce dans une répétitivité que même l’émergence du surnaturel chez l’Immortel ne parvient pas à dissiper.
Dommage, parce que les postulats initiaux laissaient entrevoir quelques pistes scénaristiques intéressantes à explorer. Pistes que le point de vue exclusivement côté jeunes de la narration rend caduques. L’auteur semble plus à l’aise avec les parties qui versent dans l’essai qu’avec l’histoire proprement dite. On sent qu’elle a des choses à dire et assez de second degré pour ne pas se prendre complètement au sérieux mais, dès lors que l’intrigue est trop verrouillée sur elle-même pour véhiculer des idées ou se permettre quelques piques bien placées, cela mouline un peu dans le vide. Et, passé l’effet de surprise, le côté spontané rentre-dedans ne suffit plus pour maintenir le lecteur en haleine sur 260 pages bien tassées.
Un ouvrage à réserver plutôt aux inconditionnels de Maïa Mazaurette, aux curieux, ainsi qu’aux adolescents qui souhaitent mettre des mots sur leurs accès d’exaspération (mais qui risquent aussi l’exaspération devant le traitement du thème, saletés de jeunes !).
Édité une première fois en 2004 chez Jacques-Marie Laffont sous le seul titre « Le pire est avenir », « Rien ne nous survivra ; le pire est avenir » a été complètement réécrit pour inaugurer la collection Dédales de Mnémos, collection dont la profession de foi est de mettre en lumière des ouvrages de SFFF un peu décalés. L’auteur de ce roman, la pétulante « sexblogueuse » et journaliste de presse spécialisée Maïa Mazaurette, réputée pour sa causticité et son art de taper là où ça fait mal, nous offre ainsi l’occasion de découvrir ou redécouvrir sa facette de romancière. Il est question ici d’imaginer le paroxysme de l’incompréhension et de la méfiance intergénérationnelles qui prendrait rien moins que la forme d’une annihilation mutuelle.
C’est cette courte mais brutale guerre que nous conte « Rien ne nous survivra » tout le long de ses chapitres en forme de décompte fatidique vers la date d’intervention des forces armées européennes. Car, forcément, l’issue ne peut être que dramatique pour les rebelles. L’histoire se développe autour des perspectives croisées de deux jeunes snipers, Silence et l’Immortel, tout deux très performants dans le meurtre et la posture emphatique. Le premier est l’une des figures de proue du soulèvement armé, symbole autant qu’idéologue, et cultive le mystère autour de son identité. L’autre est un wannabe plein de bonne volonté mais un peu pataud qui idolâtre le premier autant qu’il le hait, gymnastique émotionnelle qu’on ne trouve guère que dans les bandes dessinées japonaises. Les deux personnages empruntent d’ailleurs beaucoup aux héros de mangas : leur surhumanité, leur grandiloquence et l’impression donnée que le monde tourne autour de leurs destins – cela vient peut-être du fait que Maïa Mazaurette est de la génération Goldorak. Ce ne sont pas les seules personnalités du roman qui en imposent : Vatican, Narcisse et Séraphine viennent les épauler afin de donner un peu de solidité à un récit qui tend à être aussi chancelant que le Paris qu’il décrit. Car en dehors des fortes têtes marquantes de ce roman, le roman est assez plat. Un peu long à démarrer du fait d’une écriture mal maîtrisée autant du point de vue du style, mi punkisant mi à côté de la plaque, que de l’élaboration de la trame, « Rien ne nous survivra » commence à trouver ses marques grâce aux chapitres dédiés à la propagande des théoriciens de la révolution. Ces passages, bien que volontairement approximatifs et caricaturaux – il s’agit de propagande, après tout –, contiennent des amorces d’idées et de réflexion qui donnent au récit un éclairage plus subtil que ne le laissait craindre sa thématique un poil provocatrice. Par exemple et en vrac : la vampirisation à tous points de vue de la jeunesse par la société, l’instrumentalisation de leur révolte par les ex-soixante-huitards en tant que jalon historique indépassable, l’éducation nationale favorisant moins la créativité que la sclérose mentale en posant comme références des œuvres, des langues et des époques hors d’âge et hors d’atteinte. Ce mélange de pertinence et de mauvaise foi délicieuse ne dure hélas pas. La violence des jeunes contre les vieux (qui, au passage, sont tous des seniors chenus alors que l’âge de démarcation est vingt-cinq ans), des jeunes entre eux, ainsi que les problématiques d’ego des deux héros prennent rapidement le pas sur le reste. La fin du récit s’enfonce dans une répétitivité que même l’émergence du surnaturel chez l’Immortel ne parvient pas à dissiper.
Dommage, parce que les postulats initiaux laissaient entrevoir quelques pistes scénaristiques intéressantes à explorer. Pistes que le point de vue exclusivement côté jeunes de la narration rend caduques. L’auteur semble plus à l’aise avec les parties qui versent dans l’essai qu’avec l’histoire proprement dite. On sent qu’elle a des choses à dire et assez de second degré pour ne pas se prendre complètement au sérieux mais, dès lors que l’intrigue est trop verrouillée sur elle-même pour véhiculer des idées ou se permettre quelques piques bien placées, cela mouline un peu dans le vide. Et, passé l’effet de surprise, le côté spontané rentre-dedans ne suffit plus pour maintenir le lecteur en haleine sur 260 pages bien tassées.
Un ouvrage à réserver plutôt aux inconditionnels de Maïa Mazaurette, aux curieux, ainsi qu’aux adolescents qui souhaitent mettre des mots sur leurs accès d’exaspération (mais qui risquent aussi l’exaspération devant le traitement du thème, saletés de jeunes !).
–Michaël F.
Éditions Mnémos – Dédale
269 pages – 20 €
ISBN : 978-2-35408-051-8