"Seigneur du Royaume silencieux – Les Instrumentalités de la nuit II" de Glen Cook
Après un premier tome (La Tyrannie de la Nuit), dont les traits les plus marquants étaient la complexité et les similitudes assumées avec l’histoire médiévale européenne, plusieurs époques confondues, Glen Cook poursuit le cycle des Instrumentalités de la Nuit avec un deuxième tome à la fois plus massif et enlevé que son prédécesseur (700 pages au compteur et aucun temps mort).
Les lecteurs qui ont survécu à la Tyrannie de la Nuit et à ses deux cents premières pages plus proches d’une thèse d’histoire que de Tolkien, retrouveront avec plaisir le sha-lug Piper Hecht, alias Else Tage, alias le Tueur de Dieux, infiltré au cœur de la patriarchie de Brothe, et frère Chandelle, le parfait, mêlé à son corps défendant aux intrigues politiques du Connec. Le troisième point de vue narratif du roman est celui de Helspeth Bottenoire, princesse héritière de l’empire du Graal, et remplace de ce fait celui de Svavar l’Andorayen, transformé en Instrumentalité de la Nuit à la fin du tome précédent.
Les lecteurs y retrouveront également ce qui fait le sel et la spécificité des romans de Glen Cook : d’une part l’absence de manichéisme, chaque camp ayant des motivations pertinentes, qu’elles soient stratégiques ou liées à l’une des nombreux travers de caractère que le roman met en avant (fanatisme, avidité voire bêtise pure et simple) ; d’autre part des dialogues ciselés et tactiques qu’on pourrait rapprocher de ceux d’un Frank Herbert s’ils n’étaient autant teintés de cynisme nonchalant (les échanges entre Piper et son collègue officier Pinkus sont un régal).
Par rapport à son prédécesseur ce volume a pour lui d’être plus accessible, n’étant pas tributaire d’une longue mise en place du décor géopolitique et se dotant d’un lexique de correspondances géographiques avec l’Europe médiévale (belle initiative de la part de l’éditeur et du traducteur) pour compenser l’absence cruelle de carte. Nous en apprenons également plus sur l’histoire de Piper Hecht. En plus de fonder une famille à Brothe, ce dernier s’en découvre une autre pour le moins inattendue. À la fois œil du cyclone et déclencheur, bien souvent involontaire, du chaos qui bouleverse pays et lignes de fractures, Piper n’en reste pas moins un personnage dépeint comme un officier désabusé plus fidèle à ses hommes qu’à des convictions ou une idéologie. Pas de héros à la poursuite d’une prophétie, donc, dans ces pages. Pas plus que de batailles épiques, d’autant que les conflits sont dans l’ensemble décrits d’un point de vue distancié et comptable de général. On oublie aussi les princesses romantiques : celle présentée ici, Helspeth, fille de feu Johannes Bottenoire, est plutôt dans le registre de l’adolescente tête brûlée et écervelée qui a pour principal adversaire les mégères autoritaires de sa suite. Le seul élément qui rattache ce roman à la fantasy est cette énergie magique que déversent les puits de pouvoirs des terres saintes. Magie que maîtrisent plus ou moins les membres du Collegium de Brothe dont font partie les protecteurs de Piper. Magie, surtout, qui alimente les Instrumentalités de la Nuit, ces entités qui, pour les plus puissantes, peuvent aussi bien s’incarner dans l’un des divers dieux des anciens panthéons que dans des monstres innommables proches des créatures de Lovecraft. Plus instinctuelles qu’intelligentes, les Instrumentalités jouent encore plus les trouble-fêtes que dans l’opus précédent, luttant contre leur déclin annoncé et surtout contre Piper qui a facilité la production d’armes capables de les décimer.
Ce n’est cependant pas dans ce roman fascinant et exigeant qu’elles rencontreront leur fin, ce tome se concluant sur de nombreuses questions annonçant un livre III.
Souhaitons que Glen Cook ne se noie pas dans le foisonnement de ses intrigues et nous le livre assez rapidement.
Les lecteurs qui ont survécu à la Tyrannie de la Nuit et à ses deux cents premières pages plus proches d’une thèse d’histoire que de Tolkien, retrouveront avec plaisir le sha-lug Piper Hecht, alias Else Tage, alias le Tueur de Dieux, infiltré au cœur de la patriarchie de Brothe, et frère Chandelle, le parfait, mêlé à son corps défendant aux intrigues politiques du Connec. Le troisième point de vue narratif du roman est celui de Helspeth Bottenoire, princesse héritière de l’empire du Graal, et remplace de ce fait celui de Svavar l’Andorayen, transformé en Instrumentalité de la Nuit à la fin du tome précédent.
Les lecteurs y retrouveront également ce qui fait le sel et la spécificité des romans de Glen Cook : d’une part l’absence de manichéisme, chaque camp ayant des motivations pertinentes, qu’elles soient stratégiques ou liées à l’une des nombreux travers de caractère que le roman met en avant (fanatisme, avidité voire bêtise pure et simple) ; d’autre part des dialogues ciselés et tactiques qu’on pourrait rapprocher de ceux d’un Frank Herbert s’ils n’étaient autant teintés de cynisme nonchalant (les échanges entre Piper et son collègue officier Pinkus sont un régal).
Par rapport à son prédécesseur ce volume a pour lui d’être plus accessible, n’étant pas tributaire d’une longue mise en place du décor géopolitique et se dotant d’un lexique de correspondances géographiques avec l’Europe médiévale (belle initiative de la part de l’éditeur et du traducteur) pour compenser l’absence cruelle de carte. Nous en apprenons également plus sur l’histoire de Piper Hecht. En plus de fonder une famille à Brothe, ce dernier s’en découvre une autre pour le moins inattendue. À la fois œil du cyclone et déclencheur, bien souvent involontaire, du chaos qui bouleverse pays et lignes de fractures, Piper n’en reste pas moins un personnage dépeint comme un officier désabusé plus fidèle à ses hommes qu’à des convictions ou une idéologie. Pas de héros à la poursuite d’une prophétie, donc, dans ces pages. Pas plus que de batailles épiques, d’autant que les conflits sont dans l’ensemble décrits d’un point de vue distancié et comptable de général. On oublie aussi les princesses romantiques : celle présentée ici, Helspeth, fille de feu Johannes Bottenoire, est plutôt dans le registre de l’adolescente tête brûlée et écervelée qui a pour principal adversaire les mégères autoritaires de sa suite. Le seul élément qui rattache ce roman à la fantasy est cette énergie magique que déversent les puits de pouvoirs des terres saintes. Magie que maîtrisent plus ou moins les membres du Collegium de Brothe dont font partie les protecteurs de Piper. Magie, surtout, qui alimente les Instrumentalités de la Nuit, ces entités qui, pour les plus puissantes, peuvent aussi bien s’incarner dans l’un des divers dieux des anciens panthéons que dans des monstres innommables proches des créatures de Lovecraft. Plus instinctuelles qu’intelligentes, les Instrumentalités jouent encore plus les trouble-fêtes que dans l’opus précédent, luttant contre leur déclin annoncé et surtout contre Piper qui a facilité la production d’armes capables de les décimer.
Ce n’est cependant pas dans ce roman fascinant et exigeant qu’elles rencontreront leur fin, ce tome se concluant sur de nombreuses questions annonçant un livre III.
Souhaitons que Glen Cook ne se noie pas dans le foisonnement de ses intrigues et nous le livre assez rapidement.
— Michaël F.
Éditions L’Atalante
Traduction : Frank Reichert
701 pages – 25 €
ISBN : 978-2-84172-458-1