Solaris n°173
Voici un numéro de Solaris consacré, cette fois, au théâtre. Une gageure sans doute parce que le théâtre n’est assurément pas la première chose qui vient à l’esprit lorsqu’on pense SF.
Aussi, pour inaugurer ce numéro, a-t-il été d’abord fait appel au jeu, sous forme d’un texte à relais, un « round robin ». Deux textes en réalité, Lupercalia et Terminalia, tous deux commencés sur un unique départ, rédigé par Joël Champetier : le lieutenant enquêteur Grey, à son réveil, avalant son petit déjeuner sous les yeux de Luciana puis se rendant à pied, histoire de fouler le sol de la lune, jusqu’au quartier de la police et ignorant un appel téléphonique.
Deux équipes d’auteurs québécois vont alors prendre la relève.
La première, celle des « jeunes », qui ont rejoints la revue, anciennement nommée Requiem, après sa création. À savoir Guillaume Voisine, Pascale Raud, Philippe-Aubert Côté, Ariane Gélinas et Audrey Fortin. La seconde, constituée des Grands anciens qui, eux, l’ont précédée, avec Francine Pelletier, Daniel Sernine, Jean-Louis Trudel, Esther Rochon et Élisabeth Vonarburg.
Où Lupercalia traite de l’enquête menée par Grey et sa seconde, Amanda, sur la contrebande d’animaux mutants, Terminalia le conduit à chercher le lien qui pourrait relier un diagramme (virus ? casse-tête physique ?) à une série de meurtres bizarres.
Disons-le tout de suite, les deux équipes s’en tirent fort honorablement même si j’accorde une légère préférence à la nouvelle des « vieux ». Question d’âge peut-être.
Suit une pièce de théâtre, Chaque fois que Saul meurt par Sylvie Bérard. Dans un bunker qu’il ne peut/veut pas ouvrir, Saul raconte sa vie en même temps qu’il se la raconte pour justifier pourquoi il n’accueillera pas l’enfant qui se presse à sa porte. Peut-être, après tout n’est-ce qu’une enfant imaginée pour compenser une longue solitude où il ne reste que le souvenir de sa lâcheté devant la maladie qui a décimé la civilisation. Une histoire poignante en soi mais à laquelle je n’ai pas été réellement sensible.
Suit un article tout à fait intéressant de Catherine Bourassa Gaudreault sur Théâtre et science-fiction au Québec qui, en choisissant trois pièces récentes, décrit de façon très pertinente les contraintes particulières auxquelles doit se plier le théâtre quand il s’agit de science-fiction ou d’anticipation. Ou comment, sans disposer des moyens visuels (et financiers) du cinéma, savoir orienter l’imagination du spectateur qui ne bénéficie pas du support aisé dont jouit le lecteur.
L’entretien de Pascale Raud avec Nicola Cormier, auteur et metteur en scène de la compagnie Terra Incognita, est bâtie sur ce même thème. Avec une différence de taille puisqu’il ne s’agit plus de « principes » mais de pratique. Et si le merveilleux y est surtout mis en avant, c’est sous un éclairage tout à fait passionnant. Ainsi, ces deux articles se complètent-ils parfaitement.
Tout le contenu de l’article dû à Christian Sauvé et Mario Tessier, My dinner with Christian, se résume à son sous-titre : Le sublime et le ridicule en science-fiction. Avec des encadrés qui illustrent parfaitement le propos, même si je ne suis pas certaine que cet avis soit partagé par les auteurs des œuvres citées.
La revue s’achève sur Les littéranautes, qui présentent Le Mystère des Sylvaneaux de Champetier et Le Protocole Reston de Fortin, suivis de la rubrique habituelle de critiques, Lectures.
Une saine lecture, donc.