« Ysabel » de Guy Gavriel Kay
Avec Ysabel, c’est en Provence que nous ramène G.G. Kay. Non la Provence des troubadours, telle qu’il l’avait réinventée dans La Chanson d’Arbonne, mais dans celle, toute moderne, dans laquelle Ed Marriner, célèbre photographe canadien, est venu s’installer, le temps de réaliser de ces clichés qui ont fait sa réputation. Avec toute son équipe évidemment, et avec Ned, son fils qui, n’ayant pas d’examens en fin d’année, profitera de ces vacances un peu anticipées.
Et pas de risque de s’ennuyer puisque, non seulement Ned adore voir travailler son père, mais qu’il peut être certain que Mélanie, la jeune assistante de celui-ci, aura tout prévu jusqu’au moindre détail. Y compris la brochure qu’elle vient de lui fourrer dans les mains pour la visite de la cathédrale de St-Sauveur, en même temps qu’elle secondait Greg et Steve pour les installations du matériel sur la place. Une place momentanément vidée de ses visiteurs, mais entourée de badauds, grâce à ses démarches auprès de la municipalité.
Une Provence tout à fait moderne donc. Ou presque. En effet, parce qu’il suffit de quelques pas dans la cathédrale pour remonter le temps, comme le souligne malicieusement Kate, une adolescente de son âge croisée sous les voûtes désertées. De plusieurs siècles même, puisque, sous la grille du baptistère, on est censé voir les pavés de l’ancien forum romain, précise-elle.
Mais, lorsque l’on joue les touristes, on n’est pas censé voir un homme armé d’un poignard sortir par cette grille. Moins encore entendre ses menaces. Et surtout pas le retrouver auprès d’une fascinante statue dans le cloître où l’on est allé reprendre son calme.
Malencontreuse rencontre de hasard. L’incident aurait pu être clos. Il aurait du l’être effectivement. Si Ned et Kate avaient été moins curieux. S’il s’était bien agi de hasard, aussi. Car il est des époques et des lieux où des portes s’ouvrent ailleurs, ou en d’autres temps. Et des familles qui peuvent les franchir plus aisément, notamment pendant Beltaine.
L’ennui, c’est lorsque d’autres que soi y sont entraînés. C’est ainsi que Ned, et Kate avec lui, n’auront d’autre choix que tenter de secourir Mélanie qui a glissé, en partie à cause d’eux, entre deux mondes et dans une très ancienne histoire, qui n’était pas la sienne. Et ils n’ont que trois jours avant qu’elle ne soit définitivement perdue.
Le côté positif, c’est qu’ils recevront une aide inattendue, celle de la tante maternelle de Ned, qu’il n’avait jamais vue, et qui saura se faire entendre. Celle de son oncle aussi. Celle de sa mère enfin, qui acceptera de revenir du Darfour, où elle est en mission avec Médecins sans frontières, ce qui sera une inquiétude de moins à porter.
Il s’agit là d’une course contre la montre, ici et maintenant et à travers les siècles.
Bien qu’Ysabel, qui a reçu en 2008 le Prix World Fantasy du meilleur roman, soit un roman indépendant, l’auteur y renoue des fils avec La Tapisserie de Fionavar. Doublement, puisque l’on y retrouve avec plaisir des personnages perdus de vue – ce qui donne bien envie de relire cette trilogie – mais, aussi, par cette façon singulière de marcher à la lisière du temps.
Il est vrai que les romans de G. G. Kay ont ceci de très particulier que l’histoire s’y engouffre par les fenêtres qu’ils ouvrent sur l’imagination, que ce soit en ce monde-ci ou un autre.
Un de mes auteurs contemporains préférés, et de loin.
Éditions Alire
467 pages – à paraître le 17 septembre 2015
ISBN : 9 782896 150229