« Acharné – La Flotte Perdue V » de Jack Campbell
Dans le créneau des sagas de SF militaire, la Flotte Perdue se taille depuis quelques années une part conséquente dans le cœur des friands du genre. Croisement opportuniste entre Galactica (la flotte égarée à l’odyssée mouvementée) et Buck Rogers (le capitaine/messie qui vient du passé et en rapporte du style et de l’efficacité), elle se destine principalement aux amateurs de combats spatiaux héroïques. Vous aimez les récits martiaux et les histoires d’officiers courageux ? Vous êtes un nostalgique du jeu vidéo de stratégie Homeworld et de sa gestion de flotte de spationefs en 3D ? Cette saga est faite pour vous.
Dans ce cinquième volume, la flotte, rescapée de multiples batailles grâce au talent de son commandant John ‘Black Jack’ Geary, est à deux doigts d’enfin s’extirper de la zone adverse et de rallier le territoire ami. En plus d’avoir contribué à amoindrir l’armée des Syndics en sortant largement victorieuse de nombreuses escarmouches, elle détient la clé de l’Hypernet qui peut permettre de renverser le cours de cette guerre centenaire. Geary et ses hommes apportent également la connaissance du vrai motif qui sous-tend le conflit entre l’Alliance et les Syndics et de la menace secrète qui plane sur les deux belligérants. Autant dire que leur ultime baroud d’honneur, malgré les pertes subies, la dégradation de l’état de la flotte et le manque dramatique de ressources (munitions et carburant), relève dorénavant bien plus que de la simple survie de la flotte. C’est le destin de l’humanité qui est en jeu.
Au niveau du récit, on retrouve le schéma narratif des livres précédents : des combats dans l’espace entrecoupés de phases de dialogues entre les principaux protagonistes. La progression du récit et les ressorts dramatiques sont identiques. Le triangle amour/conflit entre John Geary, le commandant de vaisseau Tanya Desjani et la sénatrice Rionne qui sert à épicer les échanges depuis quelques volumes semble davantage destiné à faire du remplissage qu’à approfondir la personnalité des personnages. Sans doute parce que ceux-ci, comme la plupart des avanies rencontrées par la flotte perdue, tournent en rond et n’apportent plus rien de neuf. Plus on avance dans la saga, plus la redondance apparaît comme son point faible. Les protagonistes, trop archétypiques, n’arrivent plus à surprendre, même si la lutte introspective entre John Geary et Black Jack, l’avatar que lui a forgé sa légende, reste un classique qui remplit intelligemment son office. Les combats aussi suivent peu ou prou le même déroulement : malgré des conditions initiales défavorables à la flotte de l’Alliance (au choix ou tous ensemble : infériorité numérique, vaisseaux endommagés, manque de munitions et de carburant), Geary s’en tire toujours grâce à son sens de l’improvisation et ses coups de génie tactiques. De même, la course de la flotte subit toujours les passages obligés de l’inactivité relative pendant l’espace de saut (la dimension parallèle du voyage supraliminique, un emprunt à StarWars), de l’appréhension avant l’arrivée dans un nouveau territoire ennemi puis de l’adaptation aux situations de chaque système planétaire. Les combats spatiaux, dans la pure tradition des transpositions de batailles maritimes, sont assez accrocheurs et flirtent souvent avec l’épique. Il faut cependant reconnaître que les défaites systématiques des flottes syndics, malgré un rapport de force propice, et certaines incohérences comme ces collisions entre vaisseaux au détour d’une manœuvre ratée tendent à lasser autant qu’à nuire à la suspension d’incrédulité. Ce volume nous offre néanmoins une petite nouveauté avec une exfiltration de prisonniers de l’Alliance d’une planète ennemie, le temps pour la force d’infanterie de la flotte d’avoir droit elle aussi son heure de gloire.
Acharné ne déroge donc pas à ses prédécesseurs et satisfera autant les fans qu’il ne fera changer d’avis aux détracteurs. Notons que ce roman constitue l’avant dernier tome du cycle de la Flotte Perdue. Mais que les amateurs se rassurent, Jack Campbell, en accord avec son éditeur, enchainera au moins un nouveau cycle au sortir de celui-ci.
John Geary a manifestement encore beaucoup de boulot et de combats en perspective avant d’éliminer toutes les menaces qui pèsent sur la galaxie.
Éditions L’Atalante
Traduction : Frank Reichert
377 pages – 18 €
ISBN : 978-2-84172-490-1