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"Altérations" de Michel Rozenberg

Trop peu d’auteurs fantastiques francophones parviennent à se faire un nom, et lorsque beaucoup -parmi ce trop peu- y arrivent, c’est soit parce qu’ils ont eu la « sainte » stratégie d’épicer leur scénario fadasse de scènes lubriques, et là le lecteur hurle au génie, soit parce qu’ils ont misérablement établi leur prose sur ce qui a été maintes fois écrit par les plus grands.
Michel Rozenberg appartient à ces auteurs dont le travail ne fait partie ni de la première ni de la seconde catégorie. En effet, nourri par diverses lectures dont il ne se cache aucunement, l’auteur a digéré ses influences pour générer un univers dont il est le seul maître. Et Dieu sait s’il excelle en ce domaine.
Ainsi, Altérations (soulignons qu’il a reçu le prix Robert Duterme 2004!)est un recueil incontournable. Le principe est souvent le même (ce qui parfois dessert un peu la superbe de Rozenberg): un homme est confronté à une situation dont il ne sort jamais vainqueur… voire vivant. Enchevêtré dans les noeuds de sa condition, il finit par être torturé entre la réalité et le doute, et souvent cette même réalité, armée du masque de l’incongru, prend un visage mortuaire. Aussi, l’étonnant, le sournois et la confusion sont-ils les essences premières des histoires disséminées par ce recueil.
Seulement, si les trames proposées sont incroyables et innovantes, le style de Rozenberg comporte quelques défauts qu’il serait souhaitable de balayer. Le mystère est trop vite disséqué dans certaines nouvelles, et parfois, les personnages manquent de profondeur et de psychologie. En effet, pour « Le Paquet », par exemple, l’entrée du personnage principal au sein de l’entreprise le laisse trop peu perturbé, alors que les pratiques utilisées pour lui faire comprendre que sa discrétion est une obligation sont tout de même assez violentes. Ce genre d’erreurs affadit la profondeur d’une nouvelle, ce qui est somme toute dommage, quand on voit l’originalité des thèmes soulevés.

Deux nouvelles parmi ces dix perles resteront la garantie Made in Rozenberg. Je pense en effet à « Le Cadre », qui rappelle immanquablement le Portrait de Nicolas Gogol sans pour autant traiter du même thème. Cette nouvelle est un petit bijou, une mise en abîme vertigineuse qui aura tendance à faire sourire. Bien trouvé! « Le défi » sera lui-aussi à retenir. Rozenberg y confrontera deux écrivains, dont l’un pourrait être le représentant d’une troisième catégorie se greffant aux deux premières ci-dessus. Plus qu’une simple histoire, ce récit est un petit « j’accuse » pointant du doigt les écrivains véreux, et les luttes ridicules entre littéraires médiatisés. Magnifique.

A lire, à relire, et surtout à soutenir pour du meilleur à l’avenir.

— Asphodel

Cibylline

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