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Coprophanaeus 4 "Les Chats"

Coprophanaeus : « scarabée » pour les intimes, « copro » pour les pressés; sous ce nom barbare se cache un fanzine breton de l’imaginaire qui résiste encore et toujours à l’envahisseur mercantilisme et son lot de littérature formatée (il fallait bien trouver un envahisseur…). On raconte que sa vaillante créatrice-directrice-illustratrice-correctrice, Meor, est tombée dans le chaudron de passion magique lorsqu’elle était petite. Et ce quatrième opus consacré à nos compagnons les chats est une nouvelle preuve qu’amateurisme et bénévolat ne vont pas de pair avec absence de qualité.
Il faut reconnaître toutefois que l’ouvrage fait un peu bon marché. Certains scans ont perdu du contraste à l’impression (dans l’ensemble, les dessins sont trop sombres), l’agrafage laisse à désirer et la maquette, très serrée pour faire loger les dix textes et leurs illustrations en 60 pages (feuillets A4 pliés en 2), ne facilite pas la lecture. Mais rien de vraiment rédhibitoire pour l’amateur de fanzines et de nouvelles.

Il ressort des neuf nouvelles et de l’article faussement sérieux qui composent le sommaire de ce numéro une confortable impression d’homogénéité, le thème étant essentiellement traité sous l’angle du fantastique. Les amateurs de SF et de fantasy ne se sentiront cependant pas spoliés tant certaines histoires empruntent à leurs genres préférés. Par ailleurs, unité de genre n’est pas synonyme d’unité de ton, comme nous allons le voir.

Félinéide (Alanthir)
C’est un fait : les chats rêvent. Oui, mais de quoi ? Alanthir se propose d’éclairer notre lanterne dans cette histoire poétique qui joue du contraste entre la vie facile du chat domestique et son fantasme-souvenir du tigre qu’il fut à la cour de la reine Didon de Carthage. Un texte à la fois ironique et sensible qui vous fera considérer votre matou dormeur d’un oeil nouveau.

Merci pour les croquettes (Menolly)
Voilà une auteur qui n’hésite pas à mettre ses chats et elle-même en scène lorsqu’il s’agit de chasser l’alien de son jardin. Reprendre l’antienne que le chat est d’origine extra-terrestre décevra le lecteur à la recherche d’originalité mais la fraîcheur et la spontanéité du style permettent largement de faire passer la pilule. Et le tout ne vise pas autre chose que le second degré.

Le choix de la nuit (Laëtitia Millet)
Les chats ont une part de divin en eux, comme nous l’ont enseigné les Égyptiens. Laëtitia Millet nous narre dans un style riche la rencontre entre une adolescente fureteuse et un antique dieu félin déchu. Une histoire étrange, oscillant entre dark fantasy et fantastique où la fusion de l’empathie humaine et de l’égoïsme du chat nous amène à nous interroger sur notre propre nature.

Cris et ronronnements (Timothée Rey)
Sensualité et sadisme sont au rendez-vous du texte de Timothée Rey. Comme pour l’histoire précédente, c’est l’aspect meurtrier du félin qui est mis en avant, mais un manteau de fourrure n’aurait-il pas le droit de venger les animaux morts qui le composent ? Une nouvelle adulte, dans tous les sens du terme, et cynique qui fait la part belle à la montée en puissance de l’horreur et qui ne laissera pas indifférent.

Métamorphe (Elizabeth Gentelet)
Encore une fois, le récit de la confrontation entre natures humaine et féline, mais vu sous l’angle de la métamorphose. Ou comment passer du statut d’insignifiante employée de bureau aux amourettes contrariées à celui d’une catwoman vengeresse appuyée par des chats dépositaires de la sagesse des Égyptiens. Une intrigue téléphonée et banale qui fait pâle figure entre les deux nouvelles qui l’entourent.

Granit (Asphodel)
Asphodel, en digne héritière de la littérature romantique du XIXème siècle, nous livre un de ces flamboyants récits gothiques dont elle a le secret. Son histoire, habilement servie par une narration à tiroirs qui plonge le lecteur au coeur de l’intrigue, raconte l’histoire de la « putain aux chats », fantôme d’une servante suppliciée qui vient se venger sur la descendance de ses anciens maîtres. Un récit surprenant de maturité mais qui aurait mérité un plus long développement pour pouvoir bien respirer.

Mon chat est une purge (Justine Niogret)
Un peu d’humour débridé pour souffler un peu. Enfin, « souffler » n’est pas le terme exact. Voici l’histoire d’un chat que les divagations de sa maîtresse nous fait craindre d’imaginer et qui semble moins tenir du gentil minou que du vélociraptor incontrôlable. Une implacable surenchère dans la monstruosité et le sarcasme glauque qui tourne au délire complet. Amateurs de subtilité et de demi-mesures, fuyez à toutes jambes ! Le chat est derrière vous !

Bastet (François Marquet)
Un récit plus sage, ensuite. Mais là encore, il convient de ne pas se fier aux apparences. Sous cette histoire douce-amère de la vie d’un honnête père de famille tout juste émaillée d’étranges missives prémonitoires, se cache le jeu de puissances occultes inimaginables. La narration toute en finesse et en demi-teinte décuple admirablement la cruelle ironie de la chute.

ZAP(Xing)
Nous voilà à peine remis de la révélation de l’histoire précédente que Xing nous plonge dans les fils de trois destinées tragiques qu’un chat facétieux vient emmêler. Trois histoires parallèles (quatre, si on compte le plan d’existence des fileuses et de leur chat) et qui vont se rejoindre et se mélanger au détriment de tous. Un récit solide et poétique qui n’hésite pas à bousculer les conventions pour se concentrer sur l’émotion. Un petit bijou.

Le Chat sacré de Birmanie et moi (Zali)
Le seul article du fanzine. Placé à la fin parce que contrastant trop avec le reste du menu, on aurait tendance à faire l’impasse sur sa lecture. On aurait gravement tort. Zali choisi de nous raconter la genèse du chat sacré de Birmanie sous l’angle de la malice et de l’autodérision. C’est léger, brillant et lorsqu’on apprend que c’est le premier récit publié de son auteur, ça laisse rêveur.

— Neocrate

Coprophanaeus
périodicité : bimestrielle
coprophanaeus.fr.st
prix : 2 euros
60 pages n&b

Cibylline

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