« Je m’habillerai de nuit » de Terry Pratchett
Est-on jamais jeune quand on est une sorcière ? Tiphaine Patraque n’a sans doute que seize ans mais elle s’est déjà heurtée à l’esprit de l’hiver (voir L’Hiverrier) et assume parfaitement ses obligations de sorcière du Causse, panser les malades, aider aux accouchements, secourir les gens en détresse et, au final, être payée de pommes de terre, de vieilles chaussures ou de vieux draps utilisables comme pansements. Beaucoup de marche, beaucoup de charges, peu de sommeil et pour seule satisfaction, celle de l’ouvrage bien fait.
Ainsi va la vie des sorcières et tout est bien. Seulement quand un mal endormi se met à rôder de nouveau, qu’un père brutal bat sa fille enceinte au point qu’elle perde son enfant, qu’une infirmière malveillante fait courir la rumeur que Tiphaine, qui assistait le vieux baron mourant, est responsable de sa mort, et tout se met à changer.
Tous ces gens qui recourraient à vos soins, voilà qu’ils se remémorent des souvenirs qui ne sont pas les leurs, ceux d’un temps où l’on brûlait les sorcières, représentantes du Mal.
Là, c’est vraiment toutes ses forces qu’il faut engager dans la bataille, au risque même d’y perdre la vie.
Grâce à Madame Proust, respectable propriétaire de la boutique « Pipo » et, incidemment, sorcière d’Ankh-Morpork, Tiphaine pourra identifier l’ennemi : un inquisiteur d’un temps lointain habité d’un esprit de vengeance si redoutable qu’il est à même de réveiller les plus mauvaises pulsions de gens, voire de s’emparer de leurs corps pour perpétrer des horreurs. Et ce ne sont ni Roland, qu’elle est partie chercher à la capitale, ni sa future belle-mère, qui seront les derniers à se faire manipuler.
Mais si la fierté de Tiphaine l’empêche de solliciter l’aide des autres sorcières, celles-ci ont senti le retour du Mal et sont prêtes. Tiphaine bénéficiera même des conseils de la légendaire Eskarina (voir La Huitième fille), ce n’est pas rien. Quant à la protection des Feegles, elle lui est acquise, de plein droit, pourrait-on dire.
Comme tous les romans de Pratchett, celui-ci peut être lu sans rien connaître des précédents, sauf à y perdre, bien sûr, une part de références. Car on y retrouve une foule de personnages connus, depuis Mémé Ciredutemps et Nounou Ogg, jusqu’au capitaine Carotte, Angua, et le Guet avec eux…
Mais, aussi, comme dans tous ses autres romans, sous l’amusement court en filigrane toute la gravité de la vie. Je ne suis pas certaine que ce n’ait pas été le mobile profond du succès non démenti de l’auteur, mais peut-être est-ce encore plus évident compte tenu de sa santé déclinante.
Un vrai plaisir à lire.
Éditions L’Atalante
443 pages – 20 €
ISBN : 978-2-84172-541-0