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"La belle ténébreuse" de Mike Resnick

Comme c’est déjà le cas pour « Markham ou la dévoration » chez le même éditeur ou pour « Le projet miracle » chez Denoël, il semble que Mike Resnick se repose désormais sur son acquis et sur les lauriers de ses succès passés – tels Ivoire ou la trilogie Enfer/Purgatoire/Paradis – et qu’il ne sache plus produire d’oeuvre marquante. Qu’il soit capable en somme, et ce sans le moindre complexe, du pire comme du meilleur. Moins raté que les deux premiers cités, « La belle ténébreuse » fait hélas partie des romans inutiles et à éviter, malgré un départ intéressant qui rappelle doublement « Ivoire », par son sujet comme par son ambiance : à savoir une quête proche de l’énigme policière autour d’une série de tableaux à l’origine mystérieuse et à la thématique commune, située dans le milieu des galeristes et des marchands d’art. On attend, on espère et puis non, finalement la sauce ne prend pas : dommage.

L’intention humoristique et ironique est indéniable, et délibérée, mais elle finit par agacer et le portrait d’un ET pleurnichard, pétri de contradictions et d’inhibitions, voire masochiste, n’est pas crédible par son outrance, entre doutes existentiels et salamalecs lèche-bottes. Le scénario comme les personnages sont simplistes, caricaturaux, sans la moindre nuance (cf. le dialogue surréaliste avec un ordinateur pour retrouver un individu sur de simples critères de sélection parfaitement idiots ; ou la façon dont un escroc trompe la police sans difficulté, en habitant simplement deux appartements mitoyens et en se déguisant ; les planètes interdites aux ET ou la discrimination qui les frappe dans les transports en commun spatiaux, etc.). L’énigme quant à elle, celle de la nature de la dark lady qui inspire les tableaux, se délite dans un final que l’on n’attendait pas… et pour cause, puisqu’il est totalement gâché et inutile.

Un roman pour ados, faute de mieux ? Quoique. Même eux, s’ils supportent l’approximation et le trait grossier jusqu’à la caricature, seront forcément frustrés par un final bâclé en forme de pirouette, qui ne résout strictement rien, et nous fait regretter d’avoir parcouru tout ce chemin avec le Bjornn pour en arriver là, c’est-à-dire à si peu de chose.
Ceux qui ont déjà lu « Ivoire » vont être très déçus, et ceux qui ne l’ont pas encore lu risquent fort de ne jamais vouloir y mettre le nez après cette douche froide, ce qui serait dommage. A quand un « vrai » roman, monsieur Resnick, enfin digne de vos capacités à nous faire vibrer quand vous le voulez bien ?

— Biff

Flammarion, 2002

Cibylline

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