« La dernière colonie » de John Scalzi
« La Dernière Colonie » est le troisième et dernier tome de la trilogie du Vieil Homme et la Guerre comprenant « Le Vieil Homme et la Guerre » et « Les Brigades fantômes ». L’ouvrage a néanmoins la bonne idée d’être intelligible sans le soutien de ses prédécesseurs. Nous découvrons ou redécouvrons John Perry, reconverti en médiateur pantouflard d’une petite colonie après six ans passés dans les Forces de défense coloniale et une vie complète de monsieur tout-le-monde sur Terre. Avec sa femme Jane, un ancien officier des Forces spéciales, et leur fille adoptive Zoé, l’enfant de leur adversaire du tome précédent, ils s’attachent désormais à mener la moins aventureuse des vies possibles sur la plus insignifiante des planètes possibles.
La politique finira par les rattraper et les muer en gérants de la colonie expérimentale (et illégale) de Roanoke. Et, accessoirement, à les placer à leur corps défendant entre l’enclume de l’Union Coloniale, défendant les intérêts de l’humanité à son arrogante façon, et le marteau du Conclave, rouleau-compresseur fort de la légitimité de ses quatre cent douze espèces membres.
Ce space-opera, qui emprunte à Isaac Asimov le focus mis sur les dialogues pour la progression de l’histoire et à Lois McMaster Bujold l’utilisation de la science-fiction davantage comme dépaysement que comme pépinière à théories scientifiques, assure le minimum syndical au niveau vraisemblance et suspension d’incrédulité mais remplit plus que sa part du marché du côté des interactions entre les protagonistes.
Les échanges, dont la précision et la truculence donnent une impulsion très dynamique au récit, sont un vrai plaisir tant les personnages usent avec talent du sarcasme et de l’ironie et n’hésitent pas à se lancer des piques réjouissantes (les conversations entre Perry et Savitri, son effrontée d’assistante, sont un modèle du genre). Le défaut de cet avantage est que ce trait de caractère se retrouve trop systématiquement pour ne pas donner l’impression de personnalités un peu uniformes. Tant que nous sommes au rayon points faibles, notons la tendance de l’auteur au laconisme lorsqu’il s’agit de la description des planètes et aliens mis en scène, additionné, pour ces derniers, à un anthropomorphisme langagier qui achève de bannir pratiquement tout exotisme de ce roman. D’ailleurs, pour se convaincre du relatif désintérêt de l’auteur à dépeindre de nouvelles espèces, le passage de la découverte d’une espèce intelligente sur Roanoke est on ne peut plus parlant : l’intervention des autochtones se contente d’être instrumentalisée au rang de péripétie coloniale pour être presque aussitôt abandonnée en l’état. De quoi faire s’arracher les cheveux à un fan de Jack Vance.
Cependant ces quelques accrocs deviennent vite anecdotiques une fois assimilé que l’angle d’attaque privilégié est celui de l’exploitation d’une SF dépouillée à la manière d’une allégorie revendiquée et une fois que l’on s’est pris au jeu des multiples rebondissements et des dialogues tactiques et très réussis.
Un livre fluide et très délassant, en somme, d’autant plus que l’auteur ne dissimule pas le plaisir qu’il a eu à l’écrire.
Éditions L’Atalante
Traduction : Mikaël Cabon
381 pages – 18 €
ISBN : 978-2-84172-409-3