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La Gazette du Petit Peuple n° 0

Oyé, oyé, bonnes gens !
La Gazette du Petit Peuple est à l’actualité féerique ce que le Guide du Routard est aux aventuriers : un passeport indispensable pour le royaume de l’imaginaire ! C’est donc nanti de ce passeport que j’ai pu m’initier à ce genre qui ne m’est absolument pas familier, et grâce auquel je n’ai pas perdu bêtement mon chemin dans quelque méandre onirique fantasmé par un auteur sous LSD.
Mais avant de pousser plus avant les portes du Royaume du Petit Peuple, un petit mot concernant la gazette en elle-même : pas de problème ici, le boulot de référencement des articles rassemblant les données de ce monde voué à la féerie et aux contes et légendes est méticuleux. A ce point que l’on peut sans problème rempocher les cailloux que, tel le Petit Poucet, on s’apprêtait à essaimer, comme un fil conducteur, le long du sentier. Réservez-les plutôt pour les balancer dans la tronche du Grand Méchant Loup, par exemple, s’il vient à vous importuner pendant votre lecture.

Sur la gazette en elle-même :
La mise en page gagnera à être plus conventionnelle pour un genre qui l’est moins, de sorte à asseoir un peu plus le confort de lecture : les trois colonnes de texte sur un format A4 m’ont donné l’impression de suivre du regard un match de tennis en accéléré sur un écran 14 pouces ! Scindons les colonnes en deux et nous gagnerons en confort, le format de la Gazette le permettant largement. Ensuite, il nous faudra resserrer la cohésion du schéma d’ensemble en standardisant le passage de la table des matières, ce au gré des pages feuilletées. Une manière plus coulée donc, pour que le lecteur ne s’étonne plus du chaos de la mise en page avec des encadrés et des illustrations jetées au petit bonheur la chance. Mais soyons indulgents, puisqu’il s’agit du numéro pilote. Un certain temps de rodage est fatalement nécessaire pour trouver ses marques et nous sommes patients.

Soulignons les charnières centrales :
La féerie aujourd’hui
Un article de Raphaëlle de l’Orlias, rédactrice en chef de la Gazette qui nous apprend comment la Féerie s’est nourrie, au cours des 10 siècles passés, des différents courants spirituels au premier rang desquels le christianisme. Et, plus proche de nous, nous découvrons ici (entre autre !) l’intéressante interaction de la Féerie avec un autre univers appelé Fantasy. Mais plus qu’une simple interaction, il s’agirait plutôt d’une alchimie avec, comme point d’orgue, l’auteur JRR Tolkien considéré par les fans de cette tendance comme le père fondateur. Quelques voix discordantes murmurent toutefois que le genre n’aurait pas pris une ride depuis les années 1954-55 ! Est-ce vraiment un signe de bonne santé ?
Ici un passage de l’article : Le folklore est suffisamment riche et les sources assez nombreuses pour inspirer les auteurs mais il semblerait que ceux-ci rechignent encore à s’y atteler, retardant l’expansion de la féerie en tant que genre retenu…
Si l’on était un tantinet mauvaise langue, on pourrait donc conclure par une équation selon laquelle Fantasy + Féerie = Même Combat ! Et ne soyons pas effrayé par la nomination des sous-genres tels que féerie urbaine et autre hard fantasy qui ne sont finalement que de bêtes étiquettes faites par et pour les éditeurs. Ils ne doivent pas vous tromper sur la marchandise dès lors que vous savez différencier Fantasy et Féerie, ce qui est largement suffisant à mon sens.

Le conte revisité
Cette fois un dossier concocté par Améthyste Fineplume, toujours dans le pool des rédactrices en chef ! Nous y apprendrons entre autres que les racines des contes littéraires ont pris dans le terreau fécond de l’Italie du XVIe siècle, repris dans la France du XVIIe siècle. L’article brosse avec mæstria l’évolution et l’impact du conte à travers les âges. Les moeurs d’autrefois remis au goût du jour avec plus où moins de bonheur sous des dictats inhérents à l’évolution de la société. Je ne vous fais pas un dessein. Lisez l’article, il le dépeint bien mieux que je ne le ferai jamais.

Aux chapitres des nouvelles, nous avons :
La fée rebelle de Patrick Duclos
J’ai trouvé ce petit conte charmant, dont la morale pourrait être « arrêtez de vous plaindre ; il y a toujours pire que votre drame personnel juste à côté de vous. » Ce qui relativise efficacement le mal-être et gomme les limites de notre petit monde intérieur, ce sentiment mesquin de nous savoir constamment sous les feux des projecteurs, nos projecteurs. L’écriture est agréable, simple et sans fioriture, parfait pour un texte aussi court.

Rouge et Noire de Raphaëlle de l’Orlias
D’une toute autre facture, ce conte narre la compétition de deux soeurs aux origines différentes qui, au travers d’une haine fratricide, se révèlent finalement à leurs vraies natures. L’idée pourtant intéressante souffre d’un texte rédigé d’une manière excessivement alambiquée, rendant difficile la compréhension même de sa conclusion. J’ai dû relire plusieurs fois certains passages pour en suivre le fil, fil malheureusement alourdi par une préciosité aussi discordante que le crissement d’une craie sur un tableau noir. Une prose aussi affectée peut masquer des lacunes de style, et, par jeu d’escamotage, une carence pure et simple dans l’art et le talent de conter. Je suis viscéralement convaincu que ce n’est pas le cas de cette jeune auteur.

Du côté des illustrateurs :
Là encore un formidable travail graphique de la part du staff, mention spéciale à Xavier Collette pour l’illustration de la nouvelle Rouge et Noire. Bien que le tracé au crayon offre un cachet particulier qu’en tant que dessinateur je ne renierai pas, il aurait été préférable d’offrir au lectorat des illustrations aux traits encrés (je pense notamment à l’illustration de la nouvelle La fée rebelle). Je pense aussi aux frises ornant les pages et certains cadres, frises somptueuses qui collent comme une seconde peau à la thématique du genre abordé, et qui auraient beaucoup gagné en relief. Bref, le tout ravit l’oeil !

En conclusion :
Hasarder ici une nomenclature des articles entassés pêle-mêle dans la gazette alourdirait inutilement ce factum. Notons simplement que la qualité d’impression est superbe. La richesse du contenue est également exceptionnelle pour une Gazette conçue sur la foi d’une passion aussi prégnante et qui ne manque pas d’allant. A ce titre, on considèrera comme anecdotique sa mise en page à la qualité erratique citée plus haut. Les articles pris un à un sont de qualité, rédigés d’une manière quasi-professionnelle par l’ensemble de la rédaction. A ce jour, je n’ai jamais trouvé un tel condensé d’informations tenant en si peu d’espace ! La Gazette du Petit Peuple doit être citée en exemple pour qui prétend vouloir se lancer dans une expérience similaire.

— Philippe Guso

Bimestriel
lesouffledeole.net
5 euros + 1,45 euros de frais de port.
39 pages

Cibylline

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