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"La mort du Nécromant" de Martha Wells

Nous sommes au cœur du royaume d’Île-Rien, au sein de sa capitale Vienne, qui emprunte à Vienne essentiellement le nom, le rayonnement culturel et le caractère dense de l’urbanisme. L’époque est aussi imaginaire que le monde mais possède quelque accointances avec notre XVIIème siècle, son romantisme, ses capes et ses épées. S’y ajoutent juste ce qu’il faut de magie, d’êtres-Fées et de sorciers pour ranger ce récit dans la catégorie fantasy urbaine sombre.

Dans ce roman, le premier de Martha Wells traduit en France, nous suivons les péripéties de Nicholas Valiarde, alias Donatien le maître cambrioleur, dont toutes les actions tendent vers la chute du comte Montesq, son ennemi juré. Jusqu’à ce qu’il ne se heurte à un adversaire inattendu dont l’usage de nécromancie commence à faire régner la terreur en ville. Pour lui faire face, Nicholas n’aura pas trop de l’aide de ses compagnons et associés, Madeline, la comédienne et reine du travestissement, Reynard, l’officier déchu jouisseur et gentleman, Crack, le tueur aussi laconique que hiératique, et Cusard, le cocher et homme à tout faire.
Tous les ingrédients du roman dumasien sont réunis ici : les personnages hauts en couleurs, les passions exacerbées (l’élan vengeur de Valiarde n’est pas sans rappeler celui du comte de Monte-Cristo), les intrigues tentaculaires et le souffle globalement épique qui baigne le récit, malgré un régime parfois inégal. Avec en sus l’aspect fantastique gothique renforcé par l’omniprésence de la nécromancie et des créatures terrifiantes (goules, revenants, gargouilles…) qui l’accompagnent, ce livre a tout pour intéresser un large panel de lecteurs.

Cependant la proximité avec les récits d’aventure en général et les histoires de Dumas en particulier possède l’inconvénient de donner une impression de déjà-lu. Les personnages et leurs aspirations sont par exemple assez archétypaux, que l’on pense à Rive Montesq, un intrigant sournois et cruel qu’on ne peut faire autrement que haïr, à l’inspecteur Ronsarde, le policier sympathique et intègre, parfait pendant et antagoniste de Valiarde, ou à la vengeance calculée de Valiarde. Mais l’auteure est suffisamment habile pour avoir bien su doser l’apport de ses influences afin de rester dans la littérature de genre tout en développant une originalité qui lui est propre.
En revanche, les baisses de tension en partie dues au développement lent et méticuleux, pour ne pas dire trop descriptif, de l’intrigue, sont un peu moins pardonnables. L’auteure a à cœur d’être le plus précise possible, que ce soit dans les actions ou les pensées de ses personnages, et l’on a souvent l’impression de suivre leur aventure minute par minute. Ce manque d’ellipse confine parfois à l’étouffement, tant le lecteur doit assimiler un foisonnement d’informations. Heureusement, les multiples rebondissements, les dialogues piquants, le monde fascinant et le charisme des personnages suffisent largement à maintenir l’attrait de la lecture.

Un récit non exempt de défauts, donc, mais dont la fraîcheur et la démarche de mêler littérature de cape et d’épées et fantasy gothique méritent d’être largement saluées.

— Michaël F.

Éditions Points Fantasy
662 pages
ISBN : 978-2-7578-0329-5

Cibylline

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