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"Le bord du monde" de Fabrice Anfosso

Il semble bien hasardeux de classer un tel livre sous le vocable de fantasy, quand ce registre ne sert que de hors d’œuvre à un pavé bien consistant de 527 pages.

Mais il y a bien là tous les personnages d’une quête, depuis le jeune trouvère énamouré sauvé in extremis par un personnage aussi sombre qu’inquiétant, jusqu’à ceux qui deviendront ses compagnons, braves guerriers montorin et semi-loup, magicienne ambiguë, solaire à la gracieuseté tout elfique et chiens féroces et fidèles, c’est bien le moins. Tous les éléments aussi, puisque partis de ce monde au jour permanent, nous nous enfoncerons dans les brumes du crépuscule jusqu’aux glaces du nort en rencontrant juste ce qu’il faut de morts-vivants dirigés par un fogtraïth, vassal des dieux dénaturé de rigueur, et de cruelles mangeuses-de-neige. Nous y trouverons également en passant des vierges, toujours nues bien entendu, illustration de couverture oblige, un chevalier sans reproche et sa bien-aimée aveugle ainsi qu’un prêtre vertueux qui se détournera de son salut. Pourtant, un petit doute poindra quand ce Théodulf de Sapre qui va prendre le commandement des opérations nous avouera son grand dessein qui est de découvrir que la terre est ronde… dans un but tout à fait iconoclaste. L’opposition entre raison et magie étant ainsi mise en exergue, on sent bien qu’il va s’agir là d’une démonstration, voire d’une possible réconciliation, dont la fantasy, avec toute sa légèreté et sa poésie aura sûrement quelque peine à échapper. De fait, passé l’épisode héroïque de la ville-fleur carnivore et de ses habitants quelque peu décérébrés, le propos devient tout autre. Voici les voyages de Gulliver ré-écrits avec la découverte des feds cruels et repoussants dont on découvrira pourtant qu’ils peuvent non seulement singer l’humanité, mais encore être transcendés par la grâce de l’amour, puis les triangles industrieux d’une Laputa de circonstance, des lutins poltrons animant des géants de bois et, enfin, des suprêmes ailés où l’on ne verra guère qu’une pitoyable caricature de la sagesse. Je ferai l’impasse sur le style, censé être celui d’un poète de cours verbeux, apprêté, et tout à fait infatué de sa jeune personne. Il l’est précisément mais, puisque son aventure aura permis au jeune Apelcraf de découvrir son savoir le plus profond et d’accéder à sa pleine humanité, on eut aimé que suive sa façon de s’exprimer, ou du moins, qu’elle acquit une concision suffisante pour borner son récit à un livre de moitié plus court.

— Hélène

Cibylline

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