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"Le Fils de nulle part" de Sean Stewart

Voilà qui était une bonne idée : pour changer, l’histoire ne démarrerait pas du début mais de la fin. Non, pas un conte qui remonterait le temps, mais bien qui nous dirait le contenu réel de la formule traditionnelle « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».
Quoiqu’en dise trompeusement le titre français, le héros, Mark Bouclier, n’est pas le fils de nulle part mais bien celui de personne (Nobody’s son), ce qui sera abondamment répété au long du roman. Et qui sera tout aussi trompeur car, même s’il désavoue son père qui l’a abandonné, Mark l’a suffisamment connu pour souffrir de son départ.
C’est ce qui explique qu’au cours de longues années il aura appris à se battre, à ruser, bref, à devenir « quelqu’un », celui qui sera capable de braver la malédiction du Bois des Spectres et d’en réclamer récompense auprès du roi.
Et, tradition oblige, la récompense qu’il réclamera sera la plus jeune des princesses laquelle, au grand dam de son père, en paraîtra tout à fait satisfaite. Ainsi, personnages et situations sont-ils en place comme ils doivent l’être : le berger, le forgeron, le paysan, le plus jeune fils (cocher la case appropriée)… épouse la fille du roi. Pour autant, que deviennent ces couples que tout sépare depuis le berceau ? L’imagination, qui fait toujours l’impasse, admet tacitement que chacun fera une partie du chemin. C’est ce qui va se passer ici. Mark recevant l’aide de la princesse Gail, et plus encore de sa servante Lissa qui, elle, a le sens des convenances, pour se garder d’un dangereux rival et faire des terres qui lui ont été données un duché digne de ce nom.
Pourtant, rien ne va lui être facile car Mark, en brisant le maléfice du Bois, a également délivré tout ce qu’en abritait le cœur malveillant. Aussi devra-t-il repartir vers ce Donjon rouge, où il avait été victorieux, pour le retrouver en ruine et y affronter une épreuve à laquelle il ne s’attendait pas, bien qu’elle fût celle qu’il avait toujours cherchée sans le réaliser vraiment. Du moins, cette fois-ci, recevra-t-il une aide inespérée.
Rien que de très satisfaisant donc. Hélas, l’auteur n’évite pas un écueil que rencontrait déjà Eddings en écrivant la Belgariade. Sans doute n’est-il guère d’auteurs de fantasy vivant de nos jours à la cour des princes, et pas davantage de lecteurs mais il est d’usage que les princes comme les villageois s’y expriment comme on l’attend d’eux. Et qu’il n’y ait pas de confusion possible. Bref, l’éducation n’étant pas un don du ciel mais un acquis, on pouvait espérer que le langage de Mark évolue en même temps que sa destinée.
De même, on peut également espérer, lorsqu’on ouvre un livre, pouvoir le lire sans être perpétuellement distrait par une orthographe qui franchit allègrement les lisières de la fantasy ou de découvrir au tournant d’une ligne que l’héroïne, Gail, est devenue Fail pour changer.
Ce qui oblige à mettre un bémol à un livre pourtant plein de qualités, à la fois par son sujet et par les qualités d’imagination et de conteur de l’auteur. C’est quand même dommage.

— Hélène

Éditions Mnémos
270 pages – 22 €
ISBN 978-2-35408-043-3

Cibylline

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