« Le Nom du vent – Première journée » de Patrick Rothfuss
Lire un nouvel écrivain, c’est toujours une surprise. Lire le premier livre d’un nouvel écrivain, c’est une surprise risquée. Mais, quelquefois, le risque en vaut la peine. C’est peu de dire que j’ai apprécié. Je ne partage pas une publicité qui l’associe à des auteurs connus comme Feist, Eddings… Non, il y a quelque chose de particulier chez Rothfuss qui, d’emblée, le place loin des comparaisons ; peut-être une densité de l’imaginaire qui ancre la fantasy dans la réalité. Car il s’agit bien de fantasy, mais il s’agit surtout de création littéraire et, si l’on y croise un dragon, eh bien, c’est que les dragons existent, voilà tout. Vous pouvez en croire celui qui vous le raconte, il n’a rien d’un doux poète et, même s’il semble un simple aubergiste, une rude vie de gamin des rues ne lui a pas vraiment appris à rêver.
Alors, parce que l’occasion s’en présente, et que le chemin qui l’a amené dans ce village n’est pas des plus évidents, Kvothe va prendre le temps – juste trois jours – de se raconter à Devan Lochees, le chroniqueur, qui s’est arrêté comme par hasard dans son auberge après avoir été dépouillé en route par des brigands. Il y a le temps après tout puisqu’il n’y a jamais que quelques clients : à la campagne, il n’est guère facile de s’installer pour un étranger.
Ainsi va commencer, sous la dictée, la première journée de Kvothe, dont l’enfance fut bercée par le théâtre et la musique de la troupe ambulante que dirigeait son père, avant qu’il ne découvre la magie de l’Arcanum avec le vieil Abenthy qui voyagera quelques temps avec eux.
Les enfances heureuses ont ceci de particulier qu’elles ne durent guère, pas plus dans les romans que dans la vie de tous les jours et Kvothe va le découvrir très tôt. Les Chandrians – mais qui sont les Chandrians ? – n’apprécient guère que l’on parle d’eux, surtout dans des chansons qui risquent de se répandre. Aussi n’ont-ils pris aucun risque avec les parents et les amis du jeune garçon. Et que peut faire un enfant dépouillé de tout, dont le seul rêve est d’entrer à l’Université, sinon essayer d’abord de survivre ?
Mais avec une vraie volonté et beaucoup de fierté, on arrive à tout, même s’il n’est pas si merveilleux d’être un étudiant pauvre : l’intelligence et les dons vont devoir pallier tout le reste. Ils le peuvent, au point même de vous attirer de dangereuses inimitiés.
Et puis il y les amis, la belle Denna et, plus que tout, la musique…
Bref, au bout de sept cent pages, lorsqu’on se retrouve à attendre les « journées » suivantes, on n’a qu’une crainte, c’est que l’auteur n’arrive pas à tenir aussi bien jusqu’au bout…
Un vrai bonheur, donc.
Éditions Bragelonne
727 pages – 30 €
ISBN : 978-2-35294-283-2