« Rigante – L’Intégrale I » de David Gemmel
Voilà un auteur toujours agréable à lire. Ce premier volume de l’Intégrale de Rigante réunit les deux livres L’Épée de l’orage et Le Faucon de la nuit, qui sont les noms véritables de Connavar puis de son fils, Bane, du pays des rigantes qui, tous deux, construiront leur destin sur des enfances difficiles.
Connavar d’abord, fils de Varaconn, parce que ce dernier, mort dans une bataille qu’il ne souhaitait pas livrer, restera toujours un lâche dans l’imaginaire de l’enfant. Rien de comparable à Ruathain, un vrai guerrier, lui, qui a survécu à son ami puis a épousé sa veuve et adopté l’enfant.
Un père comme tous les enfants en rêveraient, quitte à devenir un héros malgré soi pour atteindre cet idéal et effacer en même temps l’image du père défaillant. Pas facile, surtout quand une mère particulièrement fière ne pardonne pas à son nouvel époux le décès du premier.
C’est peut-être ce sentiment d’isolement qui poussera Connavar vers Riamfada, l’adolescent handicapé, fils du forgeron méprisant. Et c’est en affrontant un ours pour le protéger au risque de sa vie qu’il deviendra un héros et gagnera amitié et considération. Qu’il perdra aussi la jeune fille qu’il aimait car Arian, le sachant mourant, a épousé son rival.
Mais il est d’autres amis. Vorna, la sorcière rejetée qui ne voit pas aussi loin que les sidhes mais cependant bien au-delà du présent. Le marchand Banouin, plus âgé, venu d’au-delà de la mer et qui revient chaque année commercer avec les rigantes. Pas un guerrier, tant s’en faut, mais un homme courageux. Le meilleur des compagnons de voyage que l’on puisse trouver pour partir à l’aventure et découvrir ces armées redoutables des Hommes du Roc qui conquièrent territoire après territoire et regarderont tôt ou tard du côté des terres rigantes.
Il en reviendra avec une épée magique, Démone-lame, et le désir d’unir les tribus environnantes puis de les doter d’une armée capable de repousser les envahisseurs. Le type même du héros arthurien à qui est accordé la protection si ambiguë des sidhes et la malédiction de leur geasa.
De l’action autant qu’on en souhaite et des personnages cependant assez complexes pour que l’on s’y attache.
Ceux que l’on retrouvera d’ailleurs nombreux dans le deuxième livre, une génération plus tard, en suivant cette fois la destinée du jeune Bane. Le seul entre tous à haïr Connavar qui n’a pas accepté de le reconnaître. L’adolescent est, en effet, le fils qu’il a eu d’Arian, dans un moment d’égarement, alors que son épouse était assassinée en son absence. Ainsi, même s’il en a tiré une impitoyable vengeance, Connavar ne s’est-il jamais pardonné, se condamnant à une solitude définitive.
Bane partira donc à son tour vers les Hommes du Roc avec Banouin, fils du marchand et son seul compagnon. Mais son sang ne peut mentir et malgré toute son amertume et sa rage, lui aussi trouvera des amis fidèles et l’estime de ses ennemis dont le moindre n’est pas Jasaray qui ne renoncera pas pour autant à porter le fer chez les rigantes.
Une lecture très prenante. À double titre. La fantasy y est en effet très classique. On a ici nettement affaire au monde celte, tel que cette littérature nous l’a fait connaître, même s’il se présente sous un nom différent. De même l’ennemi est aisément assimilable, d’une part, aux invasions vikings, d’autre part à l’empire romain, tout à la fois conquérant et déjà atteint par les prémisses de sa décadence.
Par ailleurs, on est désormais très loin des premières figures caricaturales de l’heroic fantasy aussi étrangères aux états d’âme qu’aux enjeux stratégiques. Il y a une réelle recherche en ce domaine, y compris au niveau des caractères secondaires finement campés, qui donne un souffle particulier à cette saga. La dernière touche, celle de la magie, n’est pas en reste sans pour autant déséquilibrer le récit à son profit.
Bref, du Gemmel à son meilleur niveau.
Éditions Bragelonne
760 pages – 25 €
ISBN : 978-2-35294-644-1