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« Le Prix du sang – Vicky Nelson I » de Tanya Hulf

La détective Vicky Nelson, en passe de devenir aveugle, enquête sur des meurtres atroces. Aidée par un vampire séduisant, elle découvre qu’un ou des démons ont été lâchés sur la ville par un cinglé revanchard.
Pas étonnant qu’on ait adapté les romans en série TV (Blood Ties). On a l’impression à la lecture de visionner un petit épisode sympa de Moonlight. Vicky Nelson est aujourd’hui vendu comme de la bit-lit. Il y a quinze ans (Le Prix du Sang date de 1991), on l’aurait présentée comme une série d’horreur mâtinée de polar, ce qu’elle est sans doute.
Si l’on doit la rattacher au genre à succès du moment, Vicky Nelson a été précurseur : le premier Anita Blake date de 1993, Buffy contre les Vampires de 1997. Peu importe au fond : 1991 offre au moins l’assurance de découvrir un monde (presque) sans internet et sans téléphone portable. Les gens sont encore normaux : quand ils sont dehors et qu’ils doivent téléphoner, ils se précipitent dans une cabine publique. Paradoxalement, ce côté rétro fait souffler un vent de fraîcheur sur les plus technophobes d’entre-nous !
L’intrigue policière, loin d’être renversante, est rondement menée (avec notamment un excellent montage des actions parallèles des différents protagonistes).
Vicky est plus agréable qu’une bonne partie des héroïnes de la bit-lit, parfois assez têtes à claques il faut bien l’avouer. Elle est en train de perdre la vue, c’est douloureux sans jamais verser dans le mélo. Tanya Huff est, Dieu merci, plus intéressée par l’action.
L’incontournable vampire dont Vicky semble tomber amoureuse est bien construit, à travers des flash-backs historiques crédibles sans jamais être envahissants. Ce type de flash-back est une tarte à la crème du genre vampirique… comme des Highlander. Le maître Joss Whedon en a lui-même usé. On retiendra une scène de messe noire bâclée et l’évocation d’un amour perdu sur fond d’inquisition.
Tanya Huff reporte littéralement la love-story à plus tard (au prochain tome ?), comme si elle se moquait de ce passage devenu obligé avec le temps. Huff semble avoir pas mal d’humour puisque son vampire écrit des romans sentimentaux à la Harlequin sous un pseudo féminin ! Sans doute Huff l’a-t-elle fait aussi. Peut-être que les auteurs féminins en bit-lit comme dans les harlequinades cachent parfois des écrivains mâles pour de pures raisons commerciales. La lectrice peut ainsi se sentir en confiance avec une auteure « forcément » plus proche d’elle. Raisonnement stupide : un bon écrivain de S.F. doit-il être extra-terrestre ? Un auteur de polars est-il obligatoirement flic ou tueur à gages ?
Le Prix du Sang aligne les cadavres en rythme, comme un bon film d’horreur (Freddy Krueger et Bela Lugosi sont cités avec malice !). Déplorons quand même des morts trop soft pour le véritable amateur d’émotions fortes. Ici, l’horreur ne dépasse jamais celle des petits Haute Tension pour ados des années Quatre-vingt (américains ou allemands : John Sinclair). Tanya Huff pratique l’ellipse à outrance, même si le principe est respectable. Une volonté d’offrir une série grand public ?
Remarquons quand même une très bonne scène, assez glaçante, où des imbéciles tuent une pauvre innocente en croyant avoir affaire à une vampire. L’horreur peut aussi servir à dénoncer l’incommensurable bêtise humaine. Si l’on repense à la scène de l’inquisition, Tanya Huff semble avoir une dent contre l’intolérance.
Les méchants fonctionnent autant que les héros. Tanya Huff s’intéresse à la démonologie, avec invocation et pentacle. Une démonologie de série B, malgré un grimoire à la Lovecraft (Necronomicon not dead !). On est toujours (mais ce n’est pas une critique) dans le roman de gare et évidemment pas dans un traité d’occultisme.
On a droit à deux démons qui pourraient déclencher une apocalypse à la Buffy si on ne les stoppe pas. Leur « maître » est un nerd misanthrope et minable qui évoque un peu (en moins drôle) le trio de geeks tarés de la Saison Six de Buffy (on y revient toujours). Stigmatiser ainsi ce modèle de pauvre type asocial, méprisé par les sportifs branchés et les filles, est une facilité un peu lourde. Mais bon, Tanya Huff se rattrape en présentant des rôlistes assez cool – Joss Whedon fit de même dans Angel avec le milliardaire fan de D&D. Un clin d’œil parmi d’autres pour une auteure qui a aussi écrit pour Ravenloft. Longtemps libraire spécialisée dans la S.F., ne doutons pas que Tanya Huff a dû côtoyer ces drôles de zèbres plus souvent qu’à son tour…
Prochaines rencontres pour notre détective de choc : loups-garous, momies et zombies ! Puisqu’on vous le dit : Vicky Nelson ne craint personne (air connu) !

Éditions J’Ai lu
6,70 euros
ISBN 978-2-290-02274-0

Patryck Ficini

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