"Le vieil homme et son double" de Joe Haldeman
Depuis « La guerre éternelle » (qui obtint le doublé Hugo et Nebula), Joe Haldeman alterne les romans guerriers (exorcisant avant tout son expérience personnelle traumatisante du Vietnam) et un humour débridé, mais parfois grinçant assez proche de celui de John Varley. À comparer chez le même auteur au très désopilant « Message », paru chez Pocket, qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière ligne, en plus de nous faire rire aux larmes.
« Le vieil homme et son double » se situe à mi-chemin de ces deux facettes (claire/obscure) de Haldeman : il mêle un scénario déjanté à ses – inévitables, semble-t-il – fantômes du Vietnam (souvenirs en feed-back et blessures anciennes encore douloureuses, au corps ou à l’âme ; ou, parallèles avec la Première Guerre Mondiale d’Hemingway).
John Baird, universitaire tranquille expert d’Ernest Hemingway, est abordé dans un bar par Castle, individu louche avec lequel (par jeu intellectuel, pour Baird ; pour l’argent pour son acolyte), il convient de contrefaire des manuscrits perdus de la première époque d’Hemingway (années 20). Au premier tiers, le scénario bascule d’un seul coup, par l’intervention d’un deus ex machina, une sorte d’Hemingway fantoche, ou de « gardien du temps » tout puissant (ou presque…), qui s’oppose à leurs projets, afin d’éviter de mystérieux désordres temporels. Ce faux Hemingway tue Baird, qui refuse ce chantage incongru… Mais nous n’en sommes pas quittes pour autant : il reste les univers parallèles dans lesquels Baird est encore vivant, bien que subtilement différent, à l’instar de ses proches et de tout son environnement. Dès lors, un vent de folie (et de sexe…) se met à souffler sur le scénario ; mais le lecteur s’amuse comme un fou, alors même que le pauvre Baird souffre quant à lui de plus en plus dans sa chair, dans chacun des univers parallèles qu’il va traverser, où il « re-meurt » d’ailleurs plus d’une fois.
Grave et déjanté à la fois, jouant avec les paradoxes et leurs conséquences sans trop se poser de questions ni peaufiner leur « logique interne », et inspiré avant tout par les textes, l’histoire vécue et l’esprit d’Hemingway, « Le vieil homme et son double » est un roman sans messages forts, hormis sur la guerre et ses horreurs, mais de façon discrète, récurrente chez Haldeman. C’est donc, dans l’absolu, un roman mineur, mais réjouissant et corrosif comme on les aime. A rapprocher plus ou moins, mais en plus ironique, grinçant et parfois cynique, de John Varley (« Gens de la Lune », etc.), de l’hilarant (et temporel lui aussi) « Sans parler du chien », ou de « Remake », de Connie Willis, et autres romans dans la même veine tonique et réjouissante.
À noter une scène conclusive hyper-violente avec armes à feu, d’autant plus gore que, grâce au prétexte de la SF, il use d’un effet, inhabituel dans le polar écrit, de ralenti cinématographique (et d’inversion temporelle !) à la John Woo. Cœurs sensibles s’abstenir, sur quelques pages…
Si vous aimez, et si vous en redemandez, lisez aussi, dans ce même genre mineur-comme-on-les-aime, « Le message » du même Haldeman, encore plus échevelé, et aussi désopilant qu’une bonne comédie américaine des Sixties, avec ses truands et son suspense intenable.
John Baird, universitaire tranquille expert d’Ernest Hemingway, est abordé dans un bar par Castle, individu louche avec lequel (par jeu intellectuel, pour Baird ; pour l’argent pour son acolyte), il convient de contrefaire des manuscrits perdus de la première époque d’Hemingway (années 20). Au premier tiers, le scénario bascule d’un seul coup, par l’intervention d’un deus ex machina, une sorte d’Hemingway fantoche, ou de « gardien du temps » tout puissant (ou presque…), qui s’oppose à leurs projets, afin d’éviter de mystérieux désordres temporels. Ce faux Hemingway tue Baird, qui refuse ce chantage incongru… Mais nous n’en sommes pas quittes pour autant : il reste les univers parallèles dans lesquels Baird est encore vivant, bien que subtilement différent, à l’instar de ses proches et de tout son environnement. Dès lors, un vent de folie (et de sexe…) se met à souffler sur le scénario ; mais le lecteur s’amuse comme un fou, alors même que le pauvre Baird souffre quant à lui de plus en plus dans sa chair, dans chacun des univers parallèles qu’il va traverser, où il « re-meurt » d’ailleurs plus d’une fois.
Grave et déjanté à la fois, jouant avec les paradoxes et leurs conséquences sans trop se poser de questions ni peaufiner leur « logique interne », et inspiré avant tout par les textes, l’histoire vécue et l’esprit d’Hemingway, « Le vieil homme et son double » est un roman sans messages forts, hormis sur la guerre et ses horreurs, mais de façon discrète, récurrente chez Haldeman. C’est donc, dans l’absolu, un roman mineur, mais réjouissant et corrosif comme on les aime. A rapprocher plus ou moins, mais en plus ironique, grinçant et parfois cynique, de John Varley (« Gens de la Lune », etc.), de l’hilarant (et temporel lui aussi) « Sans parler du chien », ou de « Remake », de Connie Willis, et autres romans dans la même veine tonique et réjouissante.
À noter une scène conclusive hyper-violente avec armes à feu, d’autant plus gore que, grâce au prétexte de la SF, il use d’un effet, inhabituel dans le polar écrit, de ralenti cinématographique (et d’inversion temporelle !) à la John Woo. Cœurs sensibles s’abstenir, sur quelques pages…
Si vous aimez, et si vous en redemandez, lisez aussi, dans ce même genre mineur-comme-on-les-aime, « Le message » du même Haldeman, encore plus échevelé, et aussi désopilant qu’une bonne comédie américaine des Sixties, avec ses truands et son suspense intenable.
Biff
Folio SF, d’après Haldeman, 1991