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"Les Maléfices du Temps" de Michel Rozenberg

La Belgique frappe encore. Riche d’une actualité culturelle florissante, elle peut se féliciter de compter parmi ses merveilleux représentants toute une procession d’écrivains talentueux.

Michel Rozenberg est de ceux-là. Fort d’un « Altérations » somme toute encourageant, audacieux et augurant du meilleur pour l’avenir, il enfonce le clou avec un nouveau recueil, véritable polyptique disséquant les dimensions temporelles dans ce qu’elles ont de plus incontrôlable.

Loin d' »Altérations » au niveau de la forme, « Les Maléfices du Temps » évolue sur des histoires strictement indépendantes, bâties sur la même thématique centrale (comme l’indique le titre du recueil), tout en explorant des facettes insoupçonnées de celle-ci. Toutes facilités littéraires évitées, « Les Maléfices du Temps » ne se laisse pas gagner par des clichés du genre : ici, pas de machines à remonter le temps, pas de rupture hasardeuse d’un sablier, pas de Parques qui veillât à couper le fil d’un malheureux élu.
Des élus, il y en aura. On retrouve immanquablement la signature Rozenberg, celle qui plonge un personnage clé dans une descente aux enfers le vouant inévitablement à l’échec. Et personne n’y échappe. Qu’une petite boîte condamne trois amis à la malédiction en chaîne, que la mort sépare deux êtres, qu’une petite poupée devienne l’obsession d’un homme, qu’un vieillard soit poursuivi par des missives régulières, ou qu’un pré-bachelier s’adonnât à l’écriture avec ferveur et conviction, l’issue est la même pour tous, plus oppressante que le cauchemar dans lequel chacun vogue involontairement.
Les maléfices du temps, nouvelle ouvrant le recueil éponyme, n’est pas sans rappeler « Le Bazaar de l’Epouvante » de Stephen King : une boutique, un curieux vendeur, et des objets empreints d’une aura maudite. La comparaison s’arrête là, et l’on se replonge dans la thématique soulevée dans la nouvelle Le Cadre (dans « Altérations »), id est la vieillesse -accélérée- et ses conséquences psychologiques. Deuxième citation (involontaire) à son précédent livre : le recueil se finit sur Le Temps fissuré, nouvelle qui traite des rapports d’un écrivain face à son propre travail. « Altérations » fermait le bal sur Le Défi, où deux auteurs entamaient une sorte de guerre médiatico-littéraire. Simples coïncidences qui montrent avec quel brio Rozenberg est capable de traiter d’un sujet qui lui aura déjà donné matière à créer. Le recueil passe en revue une palette de troubles de l’être : Vieillesse, obsession, folie, perte des repères réels, solitude, repli sur soi… La colonne vertébrale de chaque texte s’appuie donc sur une dynamique nucléaire, tout en se déclinant sur une autre idée à lui associer.

Parfois desservi par quelques redondances évitables et par quelques clichés linguistiques, « Les Maléfices Du Temps » n’en reste pas moins un excellent recueil aux nouvelles brillant par leurs chutes incroyables (petit bémol pour la fin prévisible du Temps d’aimer). Le style a gagné en relief et en personnalité, la psychologie des personnages a pris une assise beaucoup plus fine et solide, et Rozenberg peut sans aucun doute se vanter de s’être fait un nom dans la littérature fantastique. A déguster, en prenant votre temps…

— Asphodel

Paru le 25 Août 2005,
ISBN: 2-35072-007-1
Couverture illustrée par Michelle Blessemaille

176 pages, format 210 x 150

Cibylline

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