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"Les Monarchies divines I : Le voyage d’Hawkwood" de Paul Kearney

Petite expérience : mettez une religion monothéiste dans un univers médiéval fantastique, laissez reposer un peu et observez la suite des évènements. Qu’obtient-on dans la majorité des cas ? Exacerbation de l’intolérance envers lanceurs de sorts et créatures un peu bizarres, chasse aux hérétiques et prise de contrôle du pouvoir séculier. Bref, un grand potentiel dramatique et une confirmation que les auteurs de fantasy sont de fieffés païens.

Paul Kearney, afin de donner encore plus de souffle à son histoire, a quant à lui opté pour la confrontation épique de deux cultures monothéistes – d’un côté un ersatz de sarrasins, de l’autre des peuplades sous bannière quasi chrétienne –, y a ajouté une guerre larvée entre certains rois et prélats, le mélange d’épées et d’armes à poudre, la laborieuse quête d’un étrange continent à bord de grands navires, un soupçon de magie et des lycanthropes au rôle savamment mal défini, pour en tirer l’épopée des Monarchies divines, un cycle en cinq tomes que le Point Fantasy est en train de traduire et publier à la volée (trois volumes parus en huit mois).

Et malgré la vision fourre-tout que peut donner cette accumulation d’éléments disparates, l’ensemble est très cohérent et entraîne rapidement le lecteur dans sa logique propre. D’autant que l’univers cru et violent qui sous-tend le récit et qui n’est pas sans rappeler, sous certains de ses aspects réalistes, la saga du Trône de fer de G. R. R. Martin, fascinera les amateurs de sensations fortes. Sans oublier le côté maritime très marqué de l’histoire et l’érudition de l’auteur en matière de navires et de navigation – dont on regrette parfois qu’elle ne soit pas un minimum à visée didactique –, qui ajoute au récit un exotisme non négligeable.

Attendez vous donc à passer quelques heures intenses en compagnie de Corfe, le soldat brisé qui continue à se battre parce qu’il n’a plus rien à perdre, Abeleyn, le jeune roi qui doit se montrer aussi fin stratège à la cour qu’au champ de bataille, Albrec, le jeune moine dont la soif de connaissance amène à des découvertes aussi bouleversantes que létales, et Hawkwood, le capitaine conduisant malgré lui une expédition vers un continent inconnu et dangereux.

Bref, pas grand’chose à redire à ce récit qui satisfera autant les inconditionnels d’heroic fantasy classique que les amateurs d’épopées sortant un peu des sentiers battus, si ce n’est les faiblesses de sa traduction. Tout comme le précédent ouvrage chroniqué de cette collection (« Aradia I» de Tanith Lee), l’adaptation en langue française en est le parent pauvre et il faut vous attendre à tomber de temps en temps sur des tournures lourdes et biscornues, des répétitions maladroites, voire des phrases purement incompréhensibles. Et même si le talent de l’auteur tend à rendre ces négligences non rédhibitoires, ce cruel manque de finition frôle l’inexcusable chez une collection aussi prestigieuse que Points.

— Michaël F.

Collection Points Fantasy
Traduit de l’anglais par Marianne Thirioux
466 pages – 7.50 €
ISBN : 2-02-085869-X

Cibylline

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