« Les OGM et après… »
Yann Quero a réuni ici des textes autour de l’idée des OGM et de leur influence sur la nature et l’humanité, thématique qui a inspiré aux nouvellistes des univers tristes où ils ont anticipé des transformations qui nous dépassent et nous annihilent.
Ces textes, mis à part deux qui tranchent par leur humour, même quand ils sont parodiques comme les balibis de Vyl Vortex dans Le Plus mignon, sont porteurs d’une même morale : manipuler le vivant nous mène à notre perte. Ils illustrent moins la réalité à venir, que nous avons du mal à imaginer en dehors de notre société actuelle vénale et transgressive, que l’angoisse que nous portons à vivre dans un univers en rapide transformation.
Le seul texte réellement optimiste, et finalement différent sur le sujet est d’un auteur canadien, qui nous apporte un éclairage nouveau et extérieur. Il s’agit de Dans les dents de l’ours abstrus de Jean-Louis Trudel, où à travers enquête policière et course poursuite entre le Groenland encore frais et la France au climat devenu tropical, des écologistes activistes tentent de sauver la planète en réutilisant les gènes d’animaux préhistoriques.
La thématique de l’enfance parcourt le recueil : Le Plus mignon (Vyl Vortex), Un Seul dalmatien de Vivien Esnault, mais aussi, la fable mélancolique de Yann Quero, La Vallée des hommes fleurs où les fleurs OGM transforment le vivant à travers les enfants, jusqu’à l’extrême et monstrueuse manipulation de l’enfant oiseau dans Jack de Julien Brethiot.
Les dieux machines ou « humains » interviennent aussi pour recréer l’univers à leur convenance ou à l’image édénique inscrite dans leurs fichiers d’IA, ainsi l’intelligence artificielle qui tâtonne pour recréer l’humanité après des années de manipulations : Anthony Boulanger avec Chimaera Incorporation et Stéphane Dovert avec Les Ignames de l’Éden. Cette nature reconstituée est surveillée par des animaux machines dans Tout dans la nature nous émeut, de Jean-Yves Carlen, une nature au cordeau et devenue artificielle.
Helène Duc dans Mise au vert, nous narre la courte escapade d’une plante étrange dont on ne sait ce qu’elle est réellement, puisqu’elle parvient à subjuguer mentalement les humains dont elle se sert pour tenter de rejoindre les forêts et ses semblables, un texte à la fois ténébreux et drôle.
Deux dernières nouvelles dans ce florilège, deux textes drôles aussi, Un Cadeau pour Rebecca de Jean-Marc Sire et Gasconnade de Sylvain Lamur où l’on découvre de délirantes mises en scène de plantes animées, au premier sens du terme, avec une lointaine et burlesque évocation du monde imbibé de magie des temps passés. Dans le premier, une plante aux gênes modifiés pour la rendre animée comme un animal de compagnie, sème le désordre dans une Mars habitée par des pionniers vivant dans un monde qui tient des western de Lucky Lucke et des Chroniques martiennes. Gasconnade nous replonge, lui, dans un univers qui pourrait être celui des contes traditionnels, où une magie, ici venue de manipulations scientifiques et de celle du terroir, redonne à la nature ses esprits et ses farfadets en se jouant des économistes chinois ! Ici les OGM, bousculant les humains, s’incrustent dans leur environnement, environnement déjà largement transformé.
Éditions Arkuiris
Anthologie coordonnée par Yann Quero
Pages : 328 – Prix : 18 €
ISBN : 978-2-919090-09-9