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"Renégats" de David Gemmel

C’est un étrange rêve que fait le petit Lug, la nuit où sa mère se meurt. Rêve à la fois de frayeur et de liberté pour celui qui sera désormais un petit esclave. Qu’a-t-il vraiment vu ? Des chevaliers passant par un portail magique ? Sûrement, oui, car c’est le chagrin de ne pas l’avoir passé, par peur, qui hante Manannan, chevalier de Gabala, un de ces héros d’un passé, pas si lointain que cela, mais pourtant tombé dans l’oubli depuis que de nouveaux chevaliers rouges ont remplacé les siens auprès du roi Ahak.
Toute la vie du royaume a changé. Et même dans le duché éloigné de Mactha, la situation s’est dégradée sur tous les plans et les habitants commencent à vivre dans la crainte de jugements aussi sommaires qu’injustes.
Ainsi, pendant que le jeune Lug vole quelques heures de liberté à apprendre la magie auprès du vieux Ruad. Llaw Gyffes, le forgeron, doit-il s’enfuir, accusé du meurtre de son épouse alors même qu’il en est innocent mais a tué le soudard qui venait de la violer.
Ruad aussi va s’enfuir, parce qu’il a aidé le petit Lug à s’échapper plutôt qu’être offert à un mauvais maître par Errin, un jeune seigneur du duché, qui venait de l’acheter.
Et quelle autre destination que la vaste forêt pour les proscrits, ou les bandits, de tout poil ?
Manannan va donc à son tour s’y diriger, pressentant que Ruad, l’étrange sorcier borgne pourrait bien n’être autre qu’Ollathair qu’il cherche depuis si longtemps, celui-là même qui pourrait le délivrer de l’enchantement funeste de ce casque qu’il ne peut quitter.
Or le roi a décidé d’éliminer non seulement tous les Nomades du royaume, les « sangs impurs » jusqu’aussi loin qu’on puisse remonter les générations, mais encore tous ceux qui leur prêteront assistance. Les chevaliers rouges sont là pour s’en assurer et écraser toute rébellion.
C’est ainsi qu’Errin, pour avoir voulu protéger sa fiancée, jeune noble malheureusement dotée d’une lointaine ascendance nomade, se trouvera proscrit à son tour. Et ce n’est pas le Duc de Mactha, son seigneur, qui pourrait ou voudrait l’épargner, car lui-même n’est plus en mesure de se garder de son magicien retors, Okessa, ni de ces chevaliers rouges, si puissants que tous plient devant eux.
Une heroïc fantasy des plus classiques donc, mais Gemmel lui insuffle un souffle tout à fait particulier. Il n’y a pas de temps mort et si tous ses personnages confluent pour se retrouver face au Mal, autour du jeune Lug, qui a pris le nom de Làmfhada, ils y arrivent tous par des chemins bien particuliers. Chacun d’entre eux a une vraie histoire et une vraie personnalité, attachante. La magie même des Couleurs, par laquelle Làmfhada va trouver sa voie, ne présente pas des caractéristiques exceptionnelles, mais tout l’art de l’auteur est de faire, de tous ces éléments qui n’ont rien de particulier, un roman tout à fait plaisant et bien construit.
Par ailleurs, si légère que soit la métaphore, le goût et les dérives du pouvoir, comme celles du génocide y sont bien présents et l’ambivalence du bien et du mal à l’intérieur de chacun. Une invite donc à une réflexion que chaque lecteur est libre ou non d’approfondir.
Le petit plus : foin des tri-, quadri- et autres « multilogies » qui se déclinent à l’infini en se diluant au fur et à mesure de chaque tome. Une seule histoire, un seul livre, très dense mais qu’on lit volontiers d’une seule traite.
Je ne puis que le recommander.

— Hélène

Éditions Mnémos
345 pages – 21,5 €
ISBN 978-2-35408-065-5

Cibylline

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