« Tangram » de Nathalie Dau
C’est à la manière d’un jeu de tangram que s’ajustent les sept nouvelles de ce roman pour obtenir un dessin tout à fait original.
La première, Bleu puzzle deluxe, est la pièce majeure. Celle où Noëlle, jeune adolescente perdue dans ses rêves et dans la vie, découvre dans son miroir le visage bleu de son âme. Ses parents pourraient-ils ne pas être inquiets ? Ils la confieront à un psychiatre renommé. Mais, pendant qu’à des kilomètres de là, le riche lord Beldwilder s’interroge, c’est à des années-lumière ou carrément ailleurs que l’être prisonnier du miroir cherche une porte de sortie. Schizophrénie ou mondes parallèles étendus à l’infini ?
Tout à l’inverse, c’est à un voyage vertical dans le temps auquel nous convie Terra amata. Nom choisi par le musée archéologique niçois pour honorer la terre de ses origines. Par l’auteur aussi qui nous entraîne au cœur du Clan, les chasseurs qui révèrent les dieux et l’Homme-fouine, leur porte-parole. Mais, au cours de la chasse à l’éléphant, Long-Soupir s’est encore laissé distraire et voilà que Dieu lui-même lui parle. Légende préhistorique assurément mais vraie parabole.
Si la nature est également très présente dans Entre Chiens et loups, c’est là un texte militant et revendiqué comme tel. Traité comme un petit conte fantastique, assurément, mais assez transparent pour que les bergers négligents s’y reconnaissent, le liraient-ils.
Les quelques pages d’Un Ange est venu ce soir, en font, comme le titre l’indique, un chant de Noël. Juste pour affirmer qu’au-delà de l’amertume d’une enfance démolie, il reste la force de l’espoir.
Sachant que À Couteau s’inspire librement de la légende d’Apollon et Marsyas, rien d’étonnant à y retrouver toute la cruauté du dieu tel que les hommes l’ont conçu. Un soleil brillant qui réchauffe mais détruisant tout ce qui l’approche. L’érotisme y est domination et la tendresse dangereuse faiblesse.
Dans Trois jours nous nous retrouverons, c’est là le message qu’une petite fille est certaine d’avoir entendu de la bouche de sa maman qu’elle vient de perdre. Une petite Cendrillon moderne qui aura le courage de franchir cette porte entre ici et là-bas.
Owein, enfin, le chevalier au lion et sa dame Lunette vont se rencontrer auprès de la fontaine dans ce monde-ci, après s’être retrouvés et reperdus d’innombrables fois et avant de se reperdre et se retrouver encore et encore.
Avec lui s’achève le dessin. Ou le dessein ? Celui d’un ensemble triste et souvent douloureux qu’éclaire une grâce venue d’une autre réalité et une écriture aussi maîtrisée que poétique.
Éditions Rivière blanche
204 pages – 17 €
ISBN : 978-1-61227-190-3