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"Un vaisseau fabuleux et autres voyages galactiques" de Philip K. Dick

Nous sommes dans les années 50, l’âge d’or de la SF en général et des pulps, ces revues taillées dans un mauvais papier, en particulier. Dick a une vingtaine d’années, dévore les magazines de SF et, en bon fan qui se respecte, tente d’apporter sa pierre à l’édifice. La sélection de textes qui compose ce recueil donne un intéressant aperçu d’un jeune auteur à la recherche de sa voie. Néanmoins, ne vous y attendez pas à y trouver l’expression d’un génie précoce ou une nouvelle facette de sa singularité : ces nouvelles s’inscrivent pleinement dans leur temps tant au niveau de la fond que de la forme.

D’une part, y sont dépeints une humanité colonisatrice et belliqueuse, des confrontations inter-planétaires, l’exploration de planètes étrangères, des fusées et des martiens.
D’autre part, elles sont formatées pour accrocher le lecteur de l’époque : un début qui entre de plain-pied au cœur de l’intrigue, une trame construite autour des dialogues, des personnages neutres ou archétypaux et une chute bien sentie.
On notera au passage que le titre de l’ouvrage « Un vaisseau fabuleux et autres voyages galactiques » est un peu usurpé, le thème récurrent étant davantage la guerre que le voyage et l’action se déroulant essentiellement dans le système solaire. Alors, certes, tout cela a un peu vieilli et on est à quelques années lumière du Dick de « Le Maître du Haut Château » et de « Ubik » mais on sent tout de même poindre les idées et les angoisses qui feront le ciment de son œuvre future :
– l’illusion des apparences assortie de l’éventuelle punition pour les esprits trop étroits dans « L’heure du Wub », « Les braconniers du cosmos », « La crypte de cristal » et « L’ancien combattant »
– la paranoïa et la folie dans « Les joueurs de flûte » et « Colonie »
– la logique de l’entropie qui gouverne les sociétés humaines dans « Le canon », « Tant qu’il y a de la vie… », « Mission d’exploration »
Ajoutez à cela l’ironie un peu désespérée dont est empreint le recueil et vous obtiendrez des textes qui, s’ils ne sont pas vraiment dotés de personnalité, n’en possèdent pas moins la patte dickienne.
Qu’en conclure ?
Ces textes ont la couleur de Dick, sont signés Dick mais ne sont pas véritablement du Dick. Non pas qu’ils soient médiocres ou inintéressants – ils sont au contraire parfaitement maîtrisés pour des textes de jeunesse et des perles comme « Tant qu’il y a de la vie… » et « Les braconniers du cosmos » valent le détour – mais il leur manque ce petit grain d’imprévu, ces vertigineux instants où tout bascule qui font l’attrait de l’auteur.
On peut donc se demander à qui s’adresse réellement ce recueil. Pas au néophyte, qui pourrait y voir une tromperie sur la marchandise, ni au connaisseur qui risque d’être déçu. Seuls l’exégète curieux et le fan hardcore de Dick y trouveront leur compte. Les autres se contenteront de passer un bon moment de lecture, à défaut d’un moment inoubliable.

— Michaël F.

Traduction : Hélène Collon
Collection Folio SF
ISBN : 2-07-030075-7
373 pages
prix : 6 €
Douze nouvelles exhumées de la période pulp de Dick.

Cibylline

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