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"A comme Alone" de Thomas Geha

Voici le quatorzième opus édité par Rivière Blanche. L’éditeur, dans une volonté de retrouver l’esprit des Fleuve Noir « Anticipation » des années 70 (jusqu’à en imiter les couvertures) publie aussi bien des auteurs confirmés comme Herault et Andrevon, qui ont fait les beaux jours du Fleuve et dont on se languissait depuis des lustres, que d’enthousiastes débutants comme c’est le cas ici. L’initiative est aussi louable que celle du Fleuve Noir de l’époque : proposer une SF populaire et distrayante et favoriser l’émergence de jeunes talents. Puisque l’on vous dit que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes.

A comme Alone est un récit d’aventure post-apocalyptique dont le background se situe grossièrement entre « Le Facteur » de Brin et « Damnation Alley » de Zelazny. En résumé : une sorte de Mad Max sans grosses pétoires ni véhicules mais avec moult mutations étranges. Le récit raconté à la première personne et à la tournure argotique – l’auteur use moins de la langue de Molière que de la faconde d’un Renaud – contribue à plonger immédiatement le lecteur dans l’univers rude d’une France dévastée et dans l’esprit lapidaire du héros narrateur. Vous voilà vite prévenus : pas de subtilité ici. Autant dans les péripéties vécues par Pépé, le protagoniste principal, que dans sa façon pour le moins frontale de les résoudre. Il s’agit ici de lutter pour sa survie, pas de philosopher sur la fin de l’humanité. Peu importent les causes du désastre, peu importent ses conséquences, le mot d’ordre est : tuer ou être tué.
Bon, le synopsis peut avoir l’air un poil primaire, mais c’est ce qui fait son efficacité. La science-fiction ne sert ici que de prétexte : c’est d’aventure, de western d’anticipation dont on parle avant tout. Nous avons un héros sans peur et sans trop de cervelle, mais avec un coeur gros comme ça, de fidèles compagnons et des méchants vraiment méchants. Le tout au sein d’un pays détruit dont les rares occupants se divisent d’une part en Rasses, des « rassemblés » qui vont de la simple communauté villageoise aux cohortes de fanatiques religieux ou militaires, et d’autre part en Alones, des loups solitaires experts dans l’art de la survie.
L’avantage d’un décor et d’une narration aussi volontairement basiques est de transformer certains défauts de jeunesse tels qu’une trame linéaire, des personnages assez creux, un univers peu fouillé et manquant parfois de vraisemblance, en parties intégrantes du récit jusqu’à donner une impression globale de cohérence et de maîtrise du sujet. Le meilleur des deux mondes, quoi. Ne serait-ce que pour ce tour de force, on ne peut que féliciter son auteur.
En conclusion, A comme Alone n’est pas un grand roman et n’a pas la prétention de l’être, mais sa fraîcheur et sa spontanéité un peu naïve en font un livre éminemment sympathique. Attendez-vous à passer un moment de pure détente en compagnie de son héros brut de décoffrage et de son improbable France post-cataclysmique.

— Michaël F.

Editeur : Rivière Blanche
ISBN : 1-932983-51-1
160 pages – 15 Euros

Cibylline

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