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"Dangereuse Callisto" d’Isaac Asimov

Un recueil d’Asimov de plus, pourrait-on penser. Certes. Mais les huit textes que comporte le livre ont la particularité d’être les premiers publiés par le grand homme et, de ce fait, possèdent une valeur historique certaine aux yeux de tout fan de science-fiction qui se respecte. Le choix de Denoël de rééditer ce livre offre aux jeunes lecteurs l’occasion de replonger dans l’atmosphère des débuts du bon docteur et de l’effervescence des pulps des années 30-40 qui jetèrent les bases de la SF moderne. À ce sujet, les notes et les explications qu’Asimov intercale entre chaque texte sont au moins aussi intéressantes que les nouvelles proprement dites. Des histoires et de l’Histoire au menu, donc.

Les textes, tout d’abord : sept nouvelles et une novella, présentées dans leur ordre d’édition. La première, qui donne son titre à l’ouvrage, est donc aussi la première qu’Asimov publia et qui lança sa carrière professionnelle d’écrivain (nous parlons d’une époque où les magazines payaient le moindre texte reçu). Le moins qu’on puisse dire, c’est que le jeune auteur – il n’avait pas vingt ans – était précoce. On retrouve déjà dans ces textes l’efficacité, l’humanisme et l’ironie qui feront sa future renommée. Bien que le manque d’expérience teigne la plupart des histoires de naïveté – le paroxysme étant atteint avec « Une arme trop effroyable pour être utilisée » – et d’une foi béate en l’intégrité des puissants, l’ensemble demeure très honorable et se lit sans déplaisir. Il faut avouer que les observations de l’auteur peu tendres avec certains des textes désamorce une partie des potentiels reproches qu’on pourrait leur adresser. Parmi ces histoires dont il n’est pas spécialement fier – et qu’il avoue éditer pour satisfaire la boulimie de ses fans (hum…) – il y a la passionnante novella « Le frère prêcheur, gardien de la flamme ». Un texte épique en diable avec ses héros visionnaires et ses batailles spatiales, véritable prototype de la trilogie originelle des Fondations au niveau du rythme et de la transposition de situations historiques des temps passés. À mes yeux, cette seule histoire vaut l’achat du livre. Plus anecdotique, le dernier texte « Homo Sol » nous donne néanmoins à comprendre pourquoi Asimov évitera à l’avenir de peupler ses galaxies d’extra-terrestres.
Venons-en ensuite aux commentaires très (trop ?) détaillés (on y apprend entre autre à quelle date exacte chaque texte a été achevé et publié, quel montant il a rapporté à Asimov, de même que les grandes lignes des lettres de refus), parfois assez arides et beaucoup trop centrés sur leur auteur. On aurait néanmoins tort de se dispenser de leur lecture. Car, au delà de l’habituelle mégalomanie plus ou moins retenue dont ils sont empreints, ils nous racontent l’histoire touchante d’un jeune étudiant que la pauvreté a conduit à écrire ses propres histoires et de sa rencontre avec son mentor John W. Campbell – le découvreur d’une brassée de grands auteurs tels que Robert Heinlein, Theodore Sturgeon, Alfred Van Vogt et, évidemment, Isaac Asimov. Le recueil lui est dédié et son évocation en est un des fils conducteurs. Et, entre amitié, vénération et divergences profondes, on se rend compte combien fut grande l’influence qu’il eut sur Asimov et sur son oeuvre en devenir.

Michaël F.

Éditeur Denoël (Folio SF)
1er édition : 1974 (trad : Monique Lebailly)
ISBN : 2-07-030902-9
347 pages

Cibylline

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