« La Pierre et la flûte – Livre I » de Hans Bemmann
Ce n’est guère ordinaire, dans une famille où la voix d’un père, Grand Hurleur, chef et juge de son état, arrive à couvrir jusqu’aux vociférations des plaideurs, de naître avec un tout petit filet de voix. Mais après tout, il est, par sa mère, le petit-fils du Doux Flûtiste, et il est vrai, comme l’observe finement la sage-femme, qu’on ne peut, à la fois, crier et entendre. Voilà un enfant qui grandira donc sous le nom de Tout-Ouïe. Un enfant bienveillant qui, lorsque son village sera attaqué par les Cavaliers Pillards préfèrera le soin des blessés au port des armes, au point de veiller sur un des ennemis mourants. Celui-ci lui confiera alors une extraordinaire pierre, irisée comme un regard et propre à réchauffer le cœur. Une pierre et quelques vers.
Comme, décidément, les fonctions de juge ne l’inspirent point, le jeune Tout-Ouïe va décider de partir à la recherche de son grand-père. Il suffit, lui assure sa mère, de traverser tout droit la forêt de Barleboog… sans s’arrêter. Mais comment ne pas s’arrêter lorsqu’on y rencontre un charmant visage, celui de la belle Gisa, dame du château, et qu’elle vous invite si aimablement ? Bien sûr, il y a quelques détails choquants : des hommes mourant d’épuisement pour arracher des saphirs au fond d’une rivière, de déplaisants gardiens vêtus de peaux de loup qui malmènent les habitants et, surtout, l’aversion de la dame pour la Pierre qu’elle tient à remplacer par un énorme saphir. Mais Tout-Ouïe va s’accoutumer. Il aidera même à des jugements dont il n’aura pas lieu d’être fier jusqu’au jour où, parce qu’elle voudra tuer un merle rencontré au début de son périple, il réalisera qu’il est ensorcelé et fuira.
Quand il parviendra enfin chez son grand-père, il aura pourtant été rattrapé par le palefrenier dont il aura cruellement fait couper la langue. Mais la musique du Doux Flûtiste possède sa propre magie aussi, Tout-Ouïe va-t-il devoir suivre et servir son compagnon qui aura découvert la possibilité de s’exprimer par la musique.
D’un logeur d’ânes, chez qui il va trouver sa monture, à une forge, puis comme berger et, enfin allant de village en village, notre héros va découvrir, à travers légendes et chansons, la véritable histoire du château de la Dame de Barleboog et de ses loups-servants. C’est ainsi qu’il apprendra à écouter et en apprendra aussi beaucoup, mais non assez, sur sa Pierre. Nous le découvrirons avec lui en écoutant, nous aussi, les multiples contes qu’il entendra de chacun jusqu’à la singulière équipée qu’avec tous les compagnons qu’ils auront rencontrés, il suivra pour délivrer la vallée de Barleboog.
Un premier tome qui, sans livrer le fin mot de l’histoire, forme néanmoins un tout. Comme il se doit pour une collection jeunesse, les bons sentiments y sont à l’honneur, ainsi que les valeurs de repentir et la découverte qu’une fois les bêtises commises, il faut les assumer. Tel quel, c’est un conte tout à fait agréable auquel s’ajoute le plaisir des contes en abîme.
Éditions L’Atalante – Jeunesse
269 pages – 14€
ISBN : 9-782841-724536