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"Le goût de l’immortalité" de Catherine Dufour

L’auteur inclassable de la trilogie « Quand les Dieux buvaient », sorte de saga burlesque flirtant entre la fantasy, le fantastique, et la science fiction et sortie chez Nestiveqnen, sort un nouveau petit raz-de-marée intergalactique, cette fois-ci chez Mnemos et en un seul tome.
Anti-fans de Catherine Dufour, ne partez pas, la rupture est si importante avec ses autres oeuvres que vous risquez tout à fait de vous trouver intéressé par celle-ci.
La première chose à dire sur l’oeuvre : wow, jolie couverture !
Caza, en effet, déchire des nounours en couleurs et illustre de façon à la fois sobre et géniale l’introduction dans l’univers futuriste que nous dépeint un auteur qui a décidé de laisser derrière elle, pour cette fois-ci au moins, l’humour tarte à la crème.
Le livre n’est qu’une longue lettre qu’une jeune fille de plusieurs centaines d’années écrit à un correspondant un peu plus jeune qu’elle. Elle y raconte la totalité de sa vie, et une partie de sa mort.
Dans un avenir où la noirceur du monde le dispute à une fresque de néons criards, nous allons suivre les sentiments de plusieurs personnages confrontés à des évènements qui parfois les dépassent, qui souvent les bouleversent.
Ce que nous y verrons du monde n’est pas optimiste, loin s’en faut. Les êtres vivants et les ressources naturelles sont devenues si rares, presque légendaires, qu’ils ont pris une majuscule là où les noms des personnes même la perdaient ; les cités, du haut de leur dizaine de kilomètre d’altitude, se sont fermées à l’extérieur ; la culture commune a disparu dans cette Asie cimetière de si nombreux peuples, victorieuse par k.o. de la civilisation occidentale, et les individus se recherchent. Comme de tous temps.
Cet environnement n’est pourtant que secondaire ; il n’est que le terrain de vie des personnages que nous accompagnerons au travers de leurs souffrances, de complots aussi lointains que vagues, et de leurs amours déchirées.
Ce livre est pesant. Sa brièveté recèle une densité énorme, une atmosphère où mille parfums s’entremêlent et où celui, âcre et salé, du sang prédomine. Ce n’est pas une histoire amusante, et je conseille à ceux qui le lisent de s’accrocher à leur coeur histoire de ne pas le voir leur sortir par la bouche. Certains passages sont vraiment durs, mais le plus violent est atteint lorsque, par quelques arguments, l’auteur vous donne l’impression que finalement, ça aurait pu être tellement pire qu’au fond, ce n’est pas si horrible.
La fin pourra sembler brusque, tant de fils se coupant simultanément en quelques pages. La déception reste surtout de ne plus pouvoir suivre les tristes contes de nos personnages. Les non-dits sont nombreux, mais ils sont devinables avec quelque réflexion (et quelques questions à l’auteur).
Mais, finalement, la question reste sans réponse envisageable : quel est le poids de la vie, lorsque l’on a goûté à l’éternité ?
Ce livre est un des plus intenses bijoux de la science fiction française, et toute personne pas trop dépressive devrait se le procurer. Il est difficile d’en déterminer la plus grande qualité, tant la fluide richesse du style aide un scénario complexe et à la fois clair se dérouler devant les yeux de personnages d’une densité presque palpable.
Il reste à nous demander ce que Catherine Dufour nous réserve pour la suite car, à présent, il est difficile de prévoir son style de prédilection

— Nicky

Cibylline

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