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"Le Miroir flexible" de Régis Messac, préfacé par Gérard Klein

Ce roman, publié pour la première fois en 1933, est une réécriture de Frankenstein qui se déroule au fin fond d’un bled arriéré de l’Alabama.

Une fois ceci présenté à peu près tout est écrit.

Cette histoire est en fait un prétexte pour dénoncer l’idiotie du racisme (en particulier américain). Pas de suspense, ni de vraie histoire policière. Dès le départ du roman, est annoncé que le créateur sera lynché et que sa créature finira réduite en charpie.
Cette pauvre (hum) créature, d’ailleurs apparaît assez peu.
Sa description technique est à peine esquissée. Les croquis et brouillon de l’auteur, à la fin du livre, sont bien plus détaillés.
Les héros n’inspirent que peu de sympathie : mon préféré est celui annoncé comme le plus antipathique… M’enfin.
Les autres font tous preuves de plus de bêtise les uns que les autres.
En particulier celui, désigné comme le vrai héros, l’inventeur.
D’abord, il lâche dans la nature (la bestiole n’échappe jamais à son créateur !) une créature qui de son propre aveu a l’intelligence d’un chien, mais la force d’un char d’assaut.
Ensuite, après un premier meurtre, il continue à la laisser vadrouiller comme si de rien n’était.
Enfin, au lieu de récupérer ses billes et de reprendre ailleurs, il se moque de la bande d’arriérés du coin.
Ce qui lui arrive à la fin est bien fait. Na !

Cela donne-t-il une impression que cela ne vaille pas la peine d’être lu ?
En fait, si, c’est intéressant. Mais davantage en tant qu’étude sociologique inversée que vrai pamphlet.
Ce texte dénonce le racisme et sait être novateur d’un point de vue science-fiction. Mais il ne faut pas oublier un que d’un point de vue technique et cinématographique les robots et machines conscientes fleurissent un peu à la même époque, ainsi que les histoires à la sauce Frankenstein. « Metropolis » date de 1927, ne l’oublions pas.
Du point de vue du racisme le texte se veut éclairé mais montre dans son écriture des termes et des expressions stéréotypée qui le désigneraient lui-même comme « arriéré », voire déclencherait les foudres de la censure aujourd’hui.
Genre les « nègres », « négros », « timides, apeurés, inoffensifs, quasi dégénérés », « les plus doux du monde » … et il y en a d’autres, et des meilleures.
Cela ressemble à du Tom Sawyer, mais écrit par un français. C’est cela le changement d’époque et c’est pour cela que c’est amusant à lire.

— Philippe Halvick

Éditions Ex Nihilo
Illustration : Al Coutelis
159 pages – 15 Euros
ISBN : 2-916-185-03-8

Cibylline

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