« Les Maladies du futur » de Yann Quero
Quatorze nouvelles consacrées aux Maladies du futur sous la direction de Yann Quero privilégiant cette fois le statut d’anthologiste à celui d’auteur.
Le tout brillamment préfacé par Jean-Pierre Andrevon qui souligne la permanente fascination pour toutes les pestes, historiques ou fantasmées, en ce qu’elles nous relient à notre fondamentale mortalité, et nous invite à découvrir quelques-uns des masques que lui prête la littérature.
Le Grand changement d’échelle de Stéphane Dovert a suivi la mort des dieux. Il est pourtant moins vaste que celui pressenti par l’Aînée des Cilline dans ses errances à travers une Russie désertée. Mais apprendre, comprendre…, ce sera se heurter tôt ou tard au dogme de Celles de l’Intérieur.
Même avec Six paires de gants et une hygiène rigoureuse, comment l’héroïne de Nicolas Chapperon serait-elle rassurée de se penser peut-être seule survivante de l’épidémie qui a ravagé la terre ? Une nouvelle très courte mais glaçante dans son « ordinaireté » voulue.
Puisqu’il fallut vite abandonner un psychostimulant efficace en raison de ses effets secondaires – des souvenirs entiers disparaissaient totalement – les laboratoires pharmaceutiques proposèrent la mnémosyne. Un nouveau médicament-miracle pour doper la mémoire. En prendre parfois, ou souvent… c’est tellement gratifiant de ne rien oublier. Plus rien. Plus jamais.. jusqu’à l’apparition du Syndrôme de Cherechevski, précisément décrit par François Fierobe.
Avec Embrasser le rêve d’un mort, Sébastien Fauconnier nous invite à suivre la visite d’Ange dans un asile. Sa mission ? Rechercher au plus profond de l’esprit d’un mourant de quoi combattre la mnémophagie. Terrible maladie virale atteignant les élites dans leur ressource la plus précieuse : une mémoire numérique qui leur permet d’occuper n’importe quel corps et les rend virtuellement immortels.
Artefact de Marc Oreggia. Dans une Provence du futur où tout, santé, information… est directement régulé par l’état sur lequel sont branchés les citoyens, Sal vit dans une routine tranquille avec sa femme, Elen, et leurs deux enfants. Jusqu’au jour où survient le premier cas d’une épidémie de grippe inconnue.
Je passerai sur La Manufacture des anges d’Olivier Caruso, à réserver aux amateurs de gore et de tripaille.
Sur une Nouvelle base de Daniel Birnbaum. Ce sont trois décès consécutifs qui se sont produits dans cette petite base expérimentale implantée sur Mars. Tous inexplicables pour des terriens en parfaite santé. Voilà qui est préoccupant. De quoi s’interroger, certainement.
Malgré les équipes de sauvetage, à chaque sortie des bunkers très protégés où l’humanité perdure sous la stricte règle mormone, les décontaminateurs risquent leur vie. Parce qu’un jour la cupidité des laboratoires sut transformer la Clostridia, bactérie inoffensive mais bien utile, en péril mortel. Des humains auraient pourtant survécu et lui voueraient un culte, raconte-t-on sous le manteau. Même avec tendresse, c’est bien un avertissement aux apprentis sorciers que signe ici Yann Quero : il n’est jamais certain que leur Maître reviendra à temps.
Hommes en devenir de Djane Grivault. « Le plus beau jour de ma vie sera celui de ma mort » proclame Aveline Coque, tout à la fois inquiète de cette maladie inconnue qui trace de fines résilles sous sa peau et lassée d’être devenue un objet de curiosité. Un joli petit texte d’humour un brin écolo et bien le seul teinté d’optimisme.
Quand toutes les connaissances passent par le « nuage » sur lequel on est branché en direct, c’est forcément Au Coeur de la tempête, de Gabriel Féraud, que se retrouve Nina. La jeune étudiante s’attache en effet à prouver l’existence de pathologies nubésiennes. Elle n’entend donc pas lâcher si facilement l’individu électrosensible rencontré par hasard, même s’il tient à se cacher.
Qui n’aimerait bénéficier de la T-Trans, merveilleuse option de votre portable qui vous téléporte dans un endroit de rêve, pendant la pause-déjeuner par exemple ? Mais peut-être vaut-il mieux attendre encore un peu qu’il y ait moins de bugs, de ces Troubles hélicoïdaux décrits par Marie-Noëlle Sargenton Callard.
Il est rare que les recherches de pointe ne soient pas d’abord encouragées par les militaires avant de s’étendre aux populations civiles. Mais s’il s’agit d’un implant bioélectronique permettant de transmettre la pensée et d’en accroître les capacités ? Avec Pour un Monde blanc et calme, Brice et Romain Le Roux s’attachent à en démonter les conséquences pour parvenir à la seule conclusion qui s’impose.
C’est au professeur Hoertslein qu’est due la transcellurisation, application du déplacement de masse quasi instantané d’un point A à un point B à un organisme vivant. Il en fut donc le premier expérimentateur, assuré qu’on ne peut avoir de confiance absolue en personne. La Ligne de chute de Grégory Covin en est la parfaite illustration.
Anthony Boulanger signe la dernière nouvelle de cette anthologie avec La Décohérence selon Heisenberg & Freeman, une interprétation toute personnelle des conséquences de la physique quantique aussi élégante que poétique.
Entre maladies venues d’ailleurs ou créations bien de chez nous… des textes qui invitent à la réflexion : sous-couvert d’acter la fin de l’espèce, chacun n’est au final qu’une mise en garde doublée d’un plaidoyer contre la « science sans conscience ».
Éditions Arkuiris
295 pages – 19,90 €
ISBN : 978-2-919090-01-3