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« Vampire academy I – Sœurs de sang » de Richelle Mead

Rose est une Dhampir, amie et future garde du corps (on dit « Gardien ») de la princesse Lissa. Élèves dans un lycée très spécial, elles rencontreront bien vite des problèmes autrement plus graves que leurs tracassseries amoureuses. Un complot se trame, un combat commence, qui les fera sans doute grandir plus vite…
Vampire Academy… Le titre de série qui tue et qui fait très peur. On pense au comique poids-lourds des Police Academy (équivalent américain de nos bidasseries ou des films des Charlots) ou, pire encore, à un célèbre télé-crochet français. Et, terrifiés, on s’imagine déjà des vampires stupides apprenant à mordre les gens en multipliant les gaffes ou des créatures de la nuit chantant de la variétoche sous l’œil avisé d’un présentateur de télé, costard-cravate et sourire pepsodent garantis.
Dieu (ou Diable) merci, il n’en est rien ! Il est vrai que le nom de Richelle Mead aurait plutôt tendance à rassurer les fans de Georgina Kincaid, sa libraire succube, héroïne de comédies sentimentalo-érotiques bien troussées. Les lecteurs de bit-lit qui sont aussi parents seront cependant peut-être un peu plus inquiets en apprenant que Vampire Academy se destine à leurs ados, en se se souvenant des scènes hot de la série plus connue de l’auteure… Qu’ils se rassurent : ce premier tome parle certes beaucoup de sexe, évoque même drogue, alcool et auto-mutilation, mais de façon intelligente et jamais complaisante. En cela, Sœurs de Sang ne choquera aucun ado puisqu’il traite juste de sujets extrêmement importants à cet âge, qu’on le veuille ou non. Ignorer que l’adolescence est un âge souvent douloureux et problématique ne rendrait pas service aux jeunes lecteurs de Richelle Mead. Dans un roman pour la jeunesse, on peut traiter de (presque) tout, si on sait le faire. En matière de sexe, par exemple, la Dhampir du roman est amoureuse de son professeur, un séduisant guerrier (affreux cliché !), et on n’évite pas une scène chaude entre les deux, sans qu’il soit jamais question de pornographie. C’est agréable, bien vu, et ça plaira aux ados – qui sont aussi de grands consommateurs de films interdits aux moins de dix-huit ans, autrement plus explicites. On peut le déplorer, on ne peut le nier.
Sœurs de Sang est suffisamment bien écrit et porteur de sens pour séduire aussi les adultes, une caractéristique qu’on peut retrouver dans les meilleurs romans jeunesse. Évoquons encore une fois une série TV comme Buffy contre les vampires, au départ pour ados mais tellement riche qu’elle a captivé bien des adultes.
L’histoire d’amitié entre les deux héroïnes est vraiment chouette et on prend plaisir à suivre leurs aventures. Par contre, nous sommes très clairement davantage dans la chronique adolescente mâtinée de fantastique que dans l’horreur. Certes, il y a quelques personnages inquiétants, et même un excellent méchant, aux motivations complexes. Malheureusement, l’intrigue se traîne sur deux cents pages avant de s’accélerer et on n’est pas forcément intéressé par les tergiversations sentimentales des vampirettes. On est loin de la tension constante d’une série TV comme Vampire Diaries. Mead parle beaucoup des Strigoï, les monstrueux vampires morts-vivants qui s’opposent aux « bons » vampires. Le seul qu’on voit, tout à la fin, est hélas un novice qui se fait tuer en deux paragraphes par un Gardien. Tout ça pour ça. Espérons qu’on aura droit à de vrais Strigoï dès le tome II, car c’est très décevant.
Castelmore présente Vampire Academy comme un succès mondial bientôt adapté au cinéma, ce qui en ferait une sorte de nouveau Twilight croisé avec Harry Potter (l’école, la magie).
Pourquoi pas, car Richelle Mead connaît son métier. Maintenant, on peut se demander ce qui fait le succès de tel roman plutôt qu’un autre. On le sait, nombre d’œuvres fantastiques de qualité passent inaperçues aux yeux du grand public, tandis que d’autres, pas forcément meilleures, rameutent les foules. Peut-être est-ce dû en grande partie à la façon dont elles sont vendues. Richelle Mead, qui sait ?, dispose peut-être d’une armée d’agents littéraires et de publicitaires experts pour promouvoir ses bouquins…
Enfin, peu importe, tel quel, Vampire Academy I est un petit roman assez sympa, loin d’être bête, qui a aussi le mérite de ne pas être trop long (cent pages de plus et on craquait !). On est en plein dans la qualité américaine : l’efficacité avant tout, pas de risque ou d’expérimentation. Encore que Richelle Mead devrait accentuer à l’avenir le suspense et le côté thriller/horreur de sa série, pour emballer vraiment la (petite) partie de son lectorat pas forcément surexcitée par les émois adolescents.

Éditions Castelmore
ISBN : 978 -2 -36231-000-3

Patryck Ficini

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