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« Vent rouge » d’Emmanuel Quentin

Anat, 10 ans, poussé par la même impulsion qui l’éveille chaque nuit, s’est réfugié, dans un coin tranquille à la périphérie du village suspendu de Mowsif, loin de la protection de Marwa, sa tutrice, à qui il a été confié après le bannissement de ses parents hors de la capitale. Mais bien sûr, il faut que cette teigne de Jagle le voie passer et qu’avec ses deux copains il décide de l’humilier une fois de plus en le tabassant. Sauf que c’est à ce moment précis que souffle le Vent rouge. Aussitôt et sans qu’ils ne puissent rien y faire, les deux garçons échangent un souvenir. Sans chercher à en savoir plus, Anat en profite pour s’enfuir. Mais le souvenir dont Jagle a hérité est une bombe à retardement qui le débarrassera une bonne fois pour toutes de cette peste d’Anat. Un souvenir qu’il s’empresse donc de confier à Djimil, le premier Garant qui croise sa route.

Dans ce roman de science-fiction, le récit à la troisième personne suit alternativement le point de vue du jeune Anat, solitaire et trop curieux, de Djimil, nouvellement entré dans ses fonctions de Garant, de la Surgarante Tiqfu, qui a la charge de veiller à la Restitution des souvenirs. Tous vivent sur la planète Sophis, un monde couvert d’une jungle envahissante, où le temps se compte en bourrasques, en brises et où périodiquement le Vent rouge rebat les cartes de la mémoire individuelle et collective, ce qui a poussé la société à s’organiser autour de la préservation de la mémoire. On suit aussi Satia, une Investigatrice de l’Ordocratie, envoyée sur Sophis pour une enquête, mais qui se réveille sur place des centaines de bourrasques après le moment prévu, alors que les Nomods, libérés des Oppresseurs, semblent devenus les maîtres des lieux. De loin en loin, le récit suit également le Solitaire, un tueur en série qui sévit parmi les Nomods, et, plus rarement encore, la Sentinelle, une entité apparemment omniprésente et omnipotente, qui a bien du mal parfois à ne pas s’en mêler. L’idée de départ est pour le moins novatrice. Le monde imaginé est riche et foisonnant. Les personnages tous intéressants par leur complexité, leur humanité, et nantis d’un passé qui nous échappe, mais que le roman va nous révéler par bribes, comme le puzzle d’une intrigue policière bien menée et qui n’épargne personne. Bref, pour son quatrième livre et sa première incursion dans le genre après trois thrillers, Emmanuel Quentin, passionné de polar et bibliothécaire de profession, nous offre une histoire originale et prenante, un polar de SF qui vaut le détour. Une vraie réussite !

Éd. Critic 2025
429 pages – 23,40 € ; numérique : 13,99 €

François Manson

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